28.8.11

Tracey Emin: Love is what you want

Tracey Emin represente un art contemporain provocant, très autobiographique, souvent cru, parfois cruel mais qui incarne en quelques salles d'exposition, tous les malheurs, toutes les émotions et déceptions de la femme britannique mal-aimée, issue des classes ouvrières.

J'en retiens une adolescence volée faite d'abus, de viol, de junk food et de junk sex dans un médiocre port du Kent dont les plages grises furent le théátre du début d'un long naufrage sentimental. On s'étonne de l'intensité de son besoin d'amour, brut et volontairement vulgaire, fait pour choquer et déranger, un peu comme un appel au secours. On frissonne enfin de ses récits poignants de grossesses interrompues dans la plus grande douleur physique et psychologique.

On voyage entre des dessins, des tapisseries, des souvenirs, des sculptures et de films qui convergent tous pour crier que la vie est dure en Angleterre pour des jeunes femmes comme Tracey Emin. Il y a aussi quelque chose de puérile dans ces images et ces films où elle danse, dans ces textiles beaux et colorés qui pouraient presque parer une chambre d'enfant si ce n'était les textes scabreux qui y sont écrits. Une bouche déformée, des dents de misère, autant d'emblèmes pour une femme qui a sûrement grandi trop vite et dont l'enfance continue à s'exprimer en filigrane, derrière une montagne de désillusions.

25.8.11

La piel que habito

La Piel que habito ne faillit pas aux traditions Almodovariennes avec, comme toujours, la représentation nue et crue de l’être humain aux prises avec ses pires vices et ses plus belles émotions.

Un casting princier et multi-générationnel, tout en contrastes : Marisa Paredes dans le rôle de la mère névrosée, terriblement malsaine mais toujours drôle et attachante. Antonio Banderas réapparait après une longue absence en Docteur maléfique, cruel et monstrueux mais qui provoque quand même la compassion. Une magnifique trouvaille, Elena Anaya, une nouvelle version de Victoria Abril avec un air de Natalie Portman: un corps de rêve dont la beauté naturelle contraste avec l’artificialité que le scénario lui attribue. Son innocence et son charme fragile n’ont d’égal que l’atrocité de son destin. Enfin Jan Cornet, un jeune premier à la tète angélique et surtout, Roberto Alamo en brute immonde jouent le rôle habituel des chiens fous dans un jeu de quille, un peu comme des répliques masculines d’une Rossy de Palma qu’on regrette toujours autant.

Le mythe de la séquestration est revisité des années après Attache-Moi, moins torride mais tout aussi romanesque et délicieusement ambigu. Le sexe est omniprésent, parfois burlesque mais jamais vulgaire. L’intrigue est rocambolesque bien sûr, une mise en scène minutieuse des horreurs potentielles de la science et de l’homme devenu rat de laboratoire. Curieux avertissement de bioéthique signé Almodovar. Inattendu, prétentieux ou déplacé, diront certains.  L’esthétique est superbe, sans surprise. Moi, j’adore.

20.8.11

Dirigeants Européens, au travail!

Pourquoi l'Europe souffre-t-elle tant ces jours-ci?

Elle est bien loin l'euphorie de 1989 et la chute du Mur et du communisme. Elle est aussi loin la joie du nouveau millénaire et l'arrivée d'une monnaie unique forte, symbole d'une politique monétaire exemplaire, menaçant même la suprématie du dollar. Elle a vécu la suppression des frontières entre les Etats...
Le 11 Septembre et la tempête mondiale qu'il a déclenché y a peut-être contribué un peu. La guerre d'Iraq a divisé gouvernements et populations mettant en exergue l'impuissance politique de l'Europe. Alors que les Etats-Unis se serraient les coudes, les Etats Européens se sont séparés voire querellés. Ensuite, l'élargissement rapide de l'Union a compliqué une gestion déjà taxée d'être bureaucrate et éloignée des préoccupations quotidiennes. Les Européens ont voté contre ces institutions coûteuses et distantes et ces fonctionnaires incompris en rejetant la Constitution Européenne, entérinant le divorce entre l'Europe et les Européens. L'adhésion de la Turquie divise tout autant comme si on n'arrivait plus à s'entendre sur aucun sujet. Enfin et surtout la récession depuis 2008 a exacerbé les difficultés comme si un moteur déjà mal au point perdait son huile. Et voici que l'euro est lui-même menacé par le poids des dettes et les dissensions. On est nombreux à s'interroger si cette Union touche à sa fin au grand bonheur des nationalismes et des extrêmes.

Pourtant plus que jamais, alors que son déclin s'accélère, l'Europe aurait besoin d'être unie et de se ressaisir. Face aux menaces économiques que représentent les baisses de compétitivité, des exportations et le creusement des déficits, face au chômage et à un terrible vieillissement de sa population, l'Europe devrait s'accrocher à son modèle, attirer les talents, relancer la natalité et et ré-investir dans l'innovation. Plutôt que se diviser et s'épuiser à se battre seuls, les Etats devraient travailler ensemble. D'où pourrait venir l'électrochoc? Monsieur Sarkozy, Madame Merkel et -pourquoi pas?- Monsieur Cameron, au travail!

19.8.11

Circulez, tout va bien en Angleterre

Je m'inquiete des émeutes en Grande-Bretagne.

Conscient du conservatisme de la population et de l’horreur qu’ont les Britanniques du désordre et de la délinquance, le gouvernement de David Cameron s’est concentré sur une politique populiste de répression et de punitions sévères des émeutiers. Même les plus jeunes, même les moins violents et les plus opportunistes des voleurs auraient écopé de peines fermes pour avoir fait trembler l’ordre et la sérénité des bons sujets. On rassure les ménagères et leurs banquiers sur leur Royaume paisible. Apres avoir dû rentrer précipitamment de Toscane à cause cette populace insubordonnée, on lance une guerre ouverte contre les méchants gangs sans aucune peur d’enfoncer les portes ouvertes. Le risque de prisons surpeuplées et surtout le danger de précipiter quelques mauvais gars dans une spirale d’incarcérations et de crime ne sont pas un sujet de conversation à la mode à Londres.

Quelques bonnes volontés ont quand même critiqué cette sur-répression un peu hâtive. Certes, nul n’est mécontent de voir des voyous agressifs et violents derrière les barreaux. Mais on soupçonne à juste titre cette communication intense et événementielle sur la loi, la justice et l’intransigeance du système de masquer un peu vite les problèmes, de cacher les vraies questions que pose cette poussée inattendue de violence. Cette révolte des pauvres contre les riches a bien des airs d’un autre temps. On se rappelle les révoltes médiévales quand les serfs allaient piller le château, on s’inquiète tout comme a Paris en 2005, on se demande comment cela peut-il se passer à  Londres au XXIème siècle. On voudrait chercher des solutions pour que cela ne puisse pas recommencer.

Mais pourquoi les Tories chercheraient ils à  éluder ces questions ? Peut-être parce qu’elles font peur tant elles nous évoquent la décadence de l’Europe et l’émergence d’une néo-prolétariat dans nos banlieues, ces questions feraient donc du mal à la confiance des ménages. Peut-être aussi parce que les champions du pragmatisme de la trempe de David Cameron préfèrent ne pas poser trop de questions quand ils savent bien qu’ils sont a court de véritables réponses.

17.8.11

Question sur la Syrie

Le terrible régime Assad vacille. Enfin. Après des décennies d’obscurantisme. En Orient, on n’ose pas l’évoquer de peur d’être déçu par une ultime résurrection de ce système répressif et cruel bâti sur le mensonge d’Etat, la torture, l’impunité du pouvoir et de ses sbires et l’écrasement de 20 millions de syriens sous le poids de la loi du plus fort.

La Syrie au sens large a pourtant longtemps été le berceau des civilisations dans cette région. C’était là (au Liban et sur la cote Syrienne) que les Phéniciens inventèrent l’alphabet. C’était aussi une riche province de l’Empire Romain. Plus tard, Damas a vu naitre le califat arabe le plus prospère et le plus éclairé, celui-là même qui rayonna jusqu’en Andalousie. Les villes Syriennes ont longtemps été des havres de tolérance entre communautés, de douceur de vivre et d’hospitalité. Mais depuis le XVIIème siècle, le féodalisme, l’obscurantisme Ottoman a plongé la Syrie dans un Moyen-âge tardif. Puis au XXème siècle, le marasme Palestinien a rendu la région totalement instable et sujette aux dissensions tiraillant le pays entre rêves militaires, socialisme déficient et fanatismes de toutes sortes. Aujourd’hui, la dictature héréditaire a fini de réduire la Syrie à un pays apathique, un nain économique et un néant culturel. Je repense à ces soldats Syriens qui nous terrorisaient pendant la guerre civile libanaise avec leurs checkpoints, leurs bérets rouges et leurs armes soviétiques… Ils étaient en fait chétifs et ils avaient faim, ils étaient opprimés aussi. Je revois ces ouvriers pauvres qui viennent désormais travailler pour trois fois rien dans les chantiers de Beyrouth. Ils dorment dans la rue et se font racketter par leur propre gouvernement quand ils rentrent au pays avec quelques maigres devises. Je réfléchis a cette population qui a oublié le goût de la liberté, que fera-t-elle quand le tyran partira ?

Renaissance ou chaos ? Par la place stratégique de ce pays, la question Syrienne porte en elle l’avenir de toute la région.

7.8.11

Mont-Liban: Quand le désert avance

C'est une montagne verte, couverte d'innombrables pins parasols mais cette surface boisée est menacée. Au dessus de 1400 mètres, les pins se raréfient et le paysage se fait plus aride, dolomitique et la neige hivernale y creuse les rochers. Ce désert des hauteurs qui recouvre le Mont-Liban ressemble à la tonsure d'un moine mais il est au moins naturel et beau. La laideur, elle, vient d'en bas et elle est galopante. Elle arrive de la côte et de Beyrouth sous forme d'immeubles bâclés, de ciment en abondance qui gravit les pentes sans relâche. Pas une loi, pas un décrêt n'a été imaginé pour encadrer cette urbanisation. La populace la voit peut-être comme un progrès. Chaque pin parasol qui tombe marquant l'avancée de l'homme et de sa civilisation de pacotille aux yeux d'une plèbe bien incivile.

Bien pire que les immeubles qui recouvrent les montagnes trop proches du littoral, la nouvelle plaie est tres certainement la nouvelle autoroute qu'un président en mal d'idées a fait construire pour desservir son village d'origine. Un paysage de montagnes et des collines éventrées, de forêts saccagées, de bretelles inutiles qui se déversent dans un petit village de montagne.

L'autoroute a été affublée d'un panneau pompeux au nom du dirigeant mégalomane, au moins il n'a pas honte de ses méfaits et il les signe. Le Liban a perdu des milliers d'arbres au profit des camions et des voitures qui empruntent désormais cette n-ième autostrade. Certes elle permet d' échapper aux routes engorgées principalement par un manque de signalisation, de civisme et de transports en commun. Mais elle est une blessure inutile, un pas de plus vers la désertification. Cette Montagne aux frontières des déserts, cette tâche verte dans une mer de sable, on la consomme, on ne sait plus l'aimer, on la ravage sans pitié.