28.2.19

Pauvre Palestiniens

Pauvre cause palestinienne, la grande oubliée de l’actualité de ce siècle. Après l’assassinat de Yitzhak Rabin, la chute des accords d’Oslo, le retour de la violence, du terrorisme et la colonisation accélérée des territoires occupés, le monde a bel et bien tourné le dos à ce peuple apatride.

Le 11 Septembre 2001 est un tournant décisif qui a servi pour ses détracteurs à amalgamer cette cause avec le terrorisme islamique, phénomène amplifié par la montée du fondamentalisme, l’Etat Islamique et l’encombrant soutien Iranien si bien qu’il est presque devenu gênant de soutenir les Palestiniens publiquement et il n’est plus politiquement correct en Occident de critiquer les actions racistes et ségrégationnistes d’Israël.

Pour achever cet isolement, l’essor abject du fondamentalisme  islamique et de la haine antisémite rajoute une nouvel écran de fumée. Ces illuminés  qui croient défendre les droits des palestiniens salissent leur cause et la noient dans leur obscurantisme. La conséquence est que l’on vote désormais des lois aux États Unis pour interdire le boycott même pacifique d’Israel et la France réfléchit à pénaliser peut être la critique du sionisme désormais trop souvent teintée d’antisémitisme. Techniquement tous les mouvements même tenus par des Juifs qui critiquent  les actions d’Israël (comme Jewish Voice for Palestine) en pourraient se retrouver un jour coupables d’antisémitisme...

Entretemps, dopé par l’impunité que lui procurent ces amalgames et la complaisance américaine, le pouvoir israélien accélère la politique du fait accompli et l’encerclement des restes de territoires palestiniens par des colonies réservées aux Juifs au mépris de toute légalité. Des colons encouragés par le pouvoir et parfois armés ont tous les droits face à une population arabe sans défense, livrée aux barrages, aux pénuries de services, expulsions et humiliations. Avec un premier ministre au pouvoir depuis plus de dix ans et qui n’a aucune intention de l’abandonner, un gouvernement où le racisme n’est plus un tabou, l’interdiction du territoire israélien aux militants des droits de l’homme qui critiquent Israël et une politique d'apartheid décomplexé, il est loin le temps où la démocratie israélienne était un pseudo modèle dans la région.
Il faut bien sûr avouer qu’en face, la représentation palestinienne est calamiteuse avec une OLP faible et corrompue administrant (commodément) des bantoustans pour l’occupant en échange de quelques dollars ou shekels. Jérusalem et les autres villes de Cisjordanie sont vidées de leurs élites qui fuient ce ghetto géant. Gaza est livrée à ses démons, une prison à ciel ouvert que M. Netanyahu utilise épisodiquement comme "punching ball" en vue de garder le climat de peur nécessaire pour son maintien au pouvoir. Sa longevité à la tête du gouvernement et l’écrasement de du peuple palestinien passent avant les droits de l’homme, le principe d’humanité et même l’avenir à long terme d’Israël qui dépend pourtant d’une paix durable.


Alors que faire? Continuer à se parler, refuser le statu quo, combattre ceux qui nient l’existence d’Israël tout autant que ceux qui nient celle des Palestiniens. Refuser la tentation de démoniser l’autre et le complotisme. Dénoncer les relents antisémites. Étrangement mais positivement, le vrai clivage n’est plus celui d’Israël contre les Palestiniens. Il est plutôt entre ceux qui prônent le repli sur soi et la haine de l’autre d’une part et ceux qui croient que le vivre ensemble est la seule vraie solution. Il faut espérer que les nouvelles générations fassent mieux que nous. Tout un programme.

9.2.19

La démocratie vacille

La démocratie s'est installée ça et là en Occident depuis deux ou trois siècles. On la croyait invincible depuis la chute du Mur de Berlin. Et pourtant, elle n'en finit pas de vaciller.
Aux Etats-Unis par exemple, ces dernières semaines ont été marquées par deux phénomènes graves: le premier est le "shutdown" qui n'est autre qu'une manipulation d'un système démocratique (le vote des budgets par une chambre) à des fins autoritaires (faire passer en force un projet controversé). En liant artificiellement le paiement des salaires de simples fonctionnaires à la construction d'un mur, Donald Trump montre son manque de considération pour les institutions ou l'intérêt general, fondements mêmes des systèmes démocratiques. Même si Nancy Pelosi l'a vaincu sur son propre terrain en l'empêchant de faire son discours au parlement jusqu'à ce qu'il arrête son petit jeu, elle aussi peut être accusée d'avoir abusé de ses  prérogatives de speaker à des fins politiciennes.
Et pendant ce temps, un acteur noir et homosexuel, Jusse Smollett se fait tabasser dans la rue à Chicago par des attaquants racistes et homophobes. Une attaque de plus contre les valeurs américaines, dans un climat de division et de conspirationnisme. Un énième coup de canif dans la blessure américaine entre blancs et noirs qu'on pensait un moment en voie de guérison. On aurait presque pu voir un message surnaturel de tristesse céleste quand le lendemain de l'attaque, des températures arctiques frôlant les -50° s'installaient sur les bords du Lac Michigan obligeant la ville entière à fermer ses écoles et institutions.

En Europe, notre démocratie est tout aussi grippée, malade de ses populismes florissants. La Grande-Bretagne est prise de convulsions liées au Brexit et le prognostic du patient est incertain. L'Italie sombre dans un populisme nauséabond. La France où un Président progressiste et modéré a été élu il y a moins de deux ans est à son tour rattrapée par une vague de colère qui rejette les règles démocratiques et appelle à l'anarchie. On a même tenté d'incendier le domicile du president de l'Assemblée et on défend le droit de frapper des policiers...  Enfin, fait inédit depuis la deuxième guerre mondiale,  la France a rappelé son ambassadeur de Rome réagissant à une pluie d'insultes et de provocations. Les élections européennes qui arrivent bientôt verront s'affronter la modération et la démagogie, nouveaux rivaux de nos démocraties chancelantes.

Alors d'où viendra le salut? Est ce par le courage du Président  qui se met au chevet des citoyens pendant de longues heures de débat ? Est ce dans l'opposante démocrate futée et intrépide? Est ce par les femmes dont la vision a trop longtemps été éclipsée ? Ecoutera-t'on les voix des justes qui s'élèvent comme celle du Pape Francois contre les guerres ou celle de M. Macron contre la démagogie et pour l'Europe? Ou devrait-on compter plutôt sur nos nouvelles générations plus inclusives, soucieuses de l'avenir et ouvertes d'esprit? Une chose est sûre, notre démocratie est malade. Et l'Histoire a montré que les démocraties sont souvent de petites parenthèses éclairées mais fragiles et temporaires au milieu de longues périodes autoritaires et obscurantistes. Et si la démocratie vacille aujourd'hui, nous avons tous une responsabilité de la protéger.