31.10.21

Les faux-amis du Golfe


Il y a quelque chose de profondément insultant pour le peuple Libanais dans la crise diplomatique de cette semaine. Aucun pays respectable ne se ferait expulser des ambassadeurs, interdire des exportations et sanctionner brutalement juste à cause de propos d’un de ses ministres sur une chaîne de télévision, sachant que ces mots ont été prononcés avant même que ce ministre ne soit nommé. 


Bien sûr,  tout le monde sait que  les propos de ce ministre ne représentent aucunement une prise de position de l’Etat Libanais. le Liban est d’ailleurs incapable de prendre ce genre de postures, comme condamner des guerres au Yémen ou ailleurs tant il est paralysé par ses propres divisions et l’absence totale de leadership. Puis même si le peuple Libanais était uni pour condamner les actions de l’Arabie Saoudite au Yémen et que son gouvernement osait le faire, un pays soi-disant ami aurait juste rappelé son ambassadeur pour consultation, demandé des explications avant de sanctionner de façon sporadique et dans la condescendance la plus totale. 


Cette petit farce démontre selon moi deux choses : Les pays du Golfe ne sont pas les amis  bienveillants qu’on n’arrête pas de nous vanter depuis des lustres. Ils nous utilisent comme des pions ou des boules de billard dans leurs guerres contre l’Iran. Leur soutien au Liban n’a d’ailleurs jamais dépassé les bons mots et les pétrodollars saupoudrés à leurs pions corrompus. Après cet incident, qu’on arrête donc, de grâce, de me parler des pays arabes amis. Ils n’ont jamais bougé le petit doigt pour nous, et maintenant qu’on est au plus bas, ils n’hésitent pas à nous enfoncer encore davantage. Le plus pathétique est de voir leurs anciens esclaves libanais se réveiller pour les défendre, dans l’espoir d’une dernière petite rallonge financière. 


Le seul service que les pétro-monarchies nous rendent c’est peut être de nous montrer une fois de plus que la solution à notre indisposition se trouve bien à l’intérieur du Liban et non pas à l’étranger. Le salut réside en notre union derrière des leaders non-sectaires qui n’obéissent ni à l’Iran, ni à l’Arabie ni à l’Occident mais qui savent discuter et composer avec tous, dans l’intérêt du Liban. De tels leaders seront les seuls à même de rétablir l’état de droit et un semblant de respect à l’international. À bon entendeur...

17.10.21

Tragédie confessionnelle

 Comme dans les tragédies grecques, il y a l’unité de lieu, de temps et d’action.

Le lieu est chargé de symboles et de fiel. Ces faubourgs sont l’endroit où un funeste autobus palestinien canardé par des miliciens en 1975 déclencha la guerre civile et détruisit le Liban. Chaque Libanais a son souvenir et ses blessures dans ces quartiers. Moi-même ai failli y laisser ma vie en traversant cette ligne de démarcation sous les tirs en 1989 pour me rendre en France. Revoir ces rues en guerre nous fait donc tous frissonner. Le temps est l’espace de quelques heures, courtes mais suffisantes pour réveiller les bons vieux démons confessionnels et s’assurer que la détestation d’autrui, la déshumanisation d’un concitoyen juste à cause de sa religion présumée, sont toujours aussi tenaces. L’action est parfaitement menée, un parti qui se croit au dessus des lois essaye d’intimider la justice, un autre qui saisit l’opportunité pour montrer lâchement ses petits muscles avec des franc-tireurs embusqués, puis la riposte ridicule et disproportionnée des miliciens ineptes canardant des immeubles vides comme pour libérer leur testostérone.
À tous ceux qui ont y vu autre chose qu’une mascarade, je leur dis qu’ils sont dupes du jeu des seigneurs de la guerre en mal de popularité. Je dis aux chrétiens dont l’inconscient craintif s’est rassuré que l’Iran ne pouvait pas envoyer ses sbires impunément dans leurs quartiers qu’ils se trompent amèrement, et que tirer sur ses concitoyens est un crime sans excuse. Qu’il n’y avait rien de légitime ou d’héroïque dans ce que ces francs tireurs “chrétiens” ont fait. Je n’y vois que de la provocation, du meurtre, de la lâcheté. Je dis aussi aux autres que leur arrogance et dogmatisme nous entraînent dans cette dialectique. Que leur confessionalisme et leur utilisation toxique de la religion réveille les pires peurs et démons. Que leurs intimidations et gesticulations contre un simple juge démontrent leur faillite morale.
Puis j’invite enfin tout le monde à regarder la liste des victimes, et pleurer avec moi tous ces jeunes q’ils aient pris des armes ou pas. Ils sont morts pour rien si ce n’est défendre un député corrompu ou protéger un quartier d’une menace inexistante. Quelles qu’eussent été leurs motivations, qu’ils s’appellent Hassan, Hussein, Mohammed, Elie, Georges ou François ils sont tombés bêtement sur l’autel de ce Liban divisé. Une fois de plus, la vraie guerre n’est pas entre chrétiens et musulmans, elle est entre ceux qui veulent la peur et la sédition pour dominer et s’enrichir et les autres, cette majorité trop silencieuse qui n’en peut plus de ces caïds sectaires.Ce nouveau Liban balbutiant aura-t-il enfin le courage de se réveiller ?