21.8.21

Dans la douleur, un nouveau Liban?


 De retour à New York depuis quelques jours, j’ai vu l’actualité se noircir de mauvaises nouvelles. Entre le variant Delta du Covid, le séisme en Haïti et la chute de Kaboul, on ne sait plus trop à quel saint se vouer. Puis je contemple avec tristesse mon pauvre Liban dont l’effondrement s’accélère dans la douleur. 

La faillite morale issue d’un système confessionnel archaïque y est désormais doublée d’une faillite financière et sociale. La montagne d’insouciance et de corruption construite après la guerre, ses allures faussement prospères faites d’enrichissement illicite, de voitures trop chères et de soirées opulentes se sont effondrées sur elles-mêmes, cédant la place à un pays fatigué sans infrastructures et sans leadership, et surtout sans le moindre sens de l’intérêt général.

La douleur y est donc immense, faite de pénuries, de spoliations et de comptes bancaires bloqués. Ces derniers jours, la crise a dévoilé le visage hideux de la contrebande de produits pétroliers subventionnés avec l’argent public et revendus en Syrie par les partis politiques confessionnels et leurs protégés. Au point où la population en colère a découvert des citernes d’essence illicites, alors qu’il faut attendre cinq heures pour faire son plein en station. Et bien sûr, le résultat tragique s’est imposé : une nouvelle explosion, cette fois dans le Nord, et son lot de morts et de grand brûlés, énièmes victimes d’un État bandit. 

La fin de l’ancien Liban sclérosé par ses divisions religieuses et les peurs entre communautés semble désormais inéluctable. Le chemin du salut reste long, mais la crise dans ses horreurs peut unir les Libanais. Ils se rendent compte enfin qu’ils sont tous dans le même bateau, quelle que soit leur communauté, victimes justement de leurs désunions stériles, et de leurs zaïms abjects et manipulateurs. La société civile transformée en nouvelle opposition laïque représente donc le seul espoir. C’est cette société civile et ses jeunes qui ont d’ailleurs reconstruit des pans entiers de Beyrouth après la double explosion d’août 2020. C’est à eux d’imposer le changement et de nouveaux leaders. Leur plus gros défi sera de saper le discours confessionnel une bonne fois pour toutes, tuer les phobies qu’il a nourries au fil des siècles pour diviser la population et l’empêcher de réclamer des comptes à ses dirigeants.

Les Libanais trouveront ils le courage de jeter leurs peurs et avancer ensemble ? C’est peut être à l’avènement d’un nouveau Liban qu’on assiste, voire – osons rêver ! – à celle d’un nouveau Levant. N’oublions pas que les plus beaux enfants naissent eux aussi dans la douleur.