24.5.11

Retour des classes

On ne se lasse plus de disserter sur notre Europe où les inégalites ne font que se creuser.

Il ne s'agit pas d'effondrement mais plutot d'affaissement lent et insidueux du pouvoir d'achat des classes moyennes. Il y a trente ans, un médecin, un professeur de lycée, un cadre et leurs familles bénéficiaient pleinement de ce que la société avait à offrir: maison et jardin en province ou appartement familial à Paris, voiture, vacances au soleil pour la famille, garantie d'une éducation nationale gratuite et de qualité. Aujourd'hui, après une stagnation des salaires, une inflation continue, une explosion de l'immobilier, leur situation se retrouve soudainement bien précaire: les personnes vivant en couple avec enfants doivent toutes deux travailler, les loyers sont onéreux, l'accès à la propriété réservé à des minorités et les écoles publiques de leurs enfants sombrent doucement dans la médiocrité. Pire encore, les étudiants bardés de diplômes peinent à trouver un emploi. Je me sens très enuyeux, presque rébarbatif mais mon constat est flagrant. Vingt ans après la chute du communisme, la classe moyenne qui l'avait enterré se re-prolétarise dangereusement.
Face à elle, les élites privilégiées n'en paraissent que plus tapageuses. Une néo-aristocratie détestable et bigarrée composée de magnats démagos au mieux et mafieux russes au pire sans oublier les banquiers arrogants, leurs prostituées de luxe et les dirigeants politiques débridés et corrompus. On en finit presque par regretter l'aristocratie de l'ancien régime qui avait meilleur goût et meilleures valeurs.

Et les voilà qui se font face sans se parler. Les privilégiés des soirées de Cannes avec leur champagne et leurs paillettes d'un côté, les manifestants de la Puerta del Sol qui réclament emplois et croissance à leurs dirigeants ineptes de l'autre. Triste décadence Europénne, retour des classes et des castes avec tous leurs dangers.

19.5.11

Obamasceptique


Peut-on croire encore à la bonne foi de M. Obama quand il nous parle de Moyen-Orient ? Le voilà qui se réveille et nous affuble d’un « Le Caire bis », nouveau discours d’ouverture vers le monde Arabe. Il prend le parti des manifestants contre les dictateurs en Syrie et ailleurs et il affirme son attachement à la création d’un Etat Palestinien dans les frontières de 1967 (ou presque) ce qui constitue un geste positif pour les Arabes.

Mais contrairement au premier discours du Caire, on a un peu de mal à y croire cette fois. Le Prix Nobel de la Paix trop vite gagné, Obama nous a déçu dans son incapacité à faire avancer les négociations israélo-palestiniennes  : On regrette trop sa faiblesse devant l’intransigeance du Likoud, son incapacité a stopper ou suspendre la colonisation, le veto américain à toute condamnation d’Israël à l’ONU, son silence inexplicable  alors que l’Etat Hébreux grignote les territoires arabes dans une politique du pire qui fait frissonner tant elle est profondément raciste et injuste.  Grace à son regain de popularité, réussira-t-il à faire mieux ?
Moi qui me disais obamaphile optimiste, je me retrouve obamasceptique.

17.5.11

DSK Catastrophe

Il n’est pas facile de se prononcer sur l’affaire DSK.
Dois-je m’abandonner à ce faisceau de présomptions qui accablent ce monstre de la politique? Ou dois-je me confiner à la sacro-sainte présomption d’innocence tout en me demandant comment un homme intelligent, averti et fin politique ait pu se faire piéger de façon aussi triviale, sans parler de théories de complot qui en découleraient et que je déteste par principe?

En tout cas, j’avoue que je suis stupéfait, voire terrifié que le mythe de Dr Jekyll et Mr Hyde puisse se concrétiser ainsi pour la France politique: l’homme puissant et sérieux, donné (certes un peu trop vite) favori dans la course pour l’Elysée se dévoilant, un jour de folie, en monstre violent et pervers ! Et je me demande: est-ce donc une fatalité que les hommes de pouvoir soient des malades du sexe ? De tout temps, des orgies des Romains aux libertinages des Rois en finissant par Clinton, Berlusconi, DSK et Sarkozy, leur exercice du pouvoir détraquerait-il leurs niveaux de testostérone? Ou alors au contraire, y aurait-t-il une malformation congénitale, un mal inconnu qui amène des maniaques du sexe à conquérir les hautes sphères et gouverner ? La poule ou l’œuf ? Le fait que de nombreux monarques héréditaires (qui n’ont rien eu à conquérir) aient présenté ces symptômes de subversion rend plus plausible la première hypothèse. Le pouvoir monte certes à la tête mais il descend aussi en dessous de la ceinture.

Sans être un fan de M. Strauss-Kahn, je me surprends à espérer qu’il puisse en être autrement, que l’homme puisse se défendre, tout nous expliquer et se sortir de cette pathétique impasse. Contrairement à de nombreux critiques, je ne pense pas que DSK soit encore définitivement enterré. S’il arrivait à prouver son innocence, qui sait ce qu’il adviendrait ? L’opinion publique n’est-elle pas aussi prompte à réagir qu’empressée d’oublier ? Mais s’il terminait condamné, humilié, écroué comme un vulgaire délinquant sexuel, quid de cette époque française qui ressemble à un naufrage de notre classe politique et de nos élites ? Les éclaboussures de l’affaire Woerth, la débâcle des ministres corrompus et aujourd’hui les crimes terribles de candidats à la magistrature suprême… Les défenseurs du populisme et du « Tous pourris » doivent se frotter les mains. Pauvre France !

14.5.11

La Syrie dans mon coeur

Allez une pensée pour la Syrie. Pour cette révolte déséspérée et ces villes suicidaires qui se soulèvent sans armes et qui défient la dictature héréditaire et sectaire la plus virulente qui soit.

Pensée nostalgique pour mon professeur d'histoire du Liban au Lycée Français de Beyrouth qui nous décrivait ce régime voisin en nous donnant des frissons: en Syrie, si vous êtes opposant, on ne vous arrête que rarement, on ne vous juge pas, on ne vous emprisonne pas, nous disait-il. Non. Généralement, un beau jour, vous disparaissez purement et simplement. On n'entend plus jamais parler de vous...

Souvenir noir de ces jours d'enfance passés à écouter, craindre et maudire ces obus syriens qui s'abattaient par centaines sur Beyrouth-Est où on osait défier Assad le père, le tyran de Damas. Pensée émue pour ces morts pour la plupart civils dans d'horribles attentats à la voiture piégée, marque de fabrique favorite des services de renseignement syriens. Et au delà du Liban, une pensée pour ce peuple qu'on écrase, qu'on emprisonne depuis des décennies dans le sous-développement et l'obscurantisme. J'ai dans la mémoire aujourd'hui le merveilleux souvenir des voyages dans cette Syrie méconnue, la surprise d'être accueilli par ces gens comme si j'étais de leur famille, loin des clichés hérités de la guerre, loin de l'antagonisme inventé par les despotes et les miliciens.

Que de victimes, que d'assassinats, que d'injustices commises par une famille sanguinaire qui accapare pouvoir et argent. Ces champions de la répression ont encore frappé, comme à Hama en 1982 où ils avaient rasé une ville entière sans pitié. Mais s'ils gagnent cette nouvelle manche à coup de canon, espérons que leur chute inéluctable n'en soit que plus brutale, qu'ils soient jugés un jour et que justice soit faite pour la Syrie.

4.5.11

Aucune chance

Les Britanniques se prononceront demain par référendum sur un éventuel changement du mode de scrutin. On leur propose de remplacer le scrutin majoritaire à un tour qui écarte les minoritaires et privilégie les deux grands partis par un système proportionnel. Rien de surprenant me diriez-vous, il est injuste que soit élu un candidat qui ne l'aurait jamais emporté s'il y avait un second tour.

Oui mais il y a un gros hic. Ou même plusieurs et je pense que cette réforme ne passera jamais. Le premier problème qui est de taille est le fait que la réforme ne propose pas un second tour mais un vote qui autorise un deuxième choix et donc une complexité inhabituelle outre-Manche. Dans un pays ou on chérit la clarté, la simplicité et le "straight to the point", cette complication a peu de chance de séduire une population peu politisée.

Le deuxième hic est le conservatisme légendaire et l'attachement fort aux traditions. En un peu plus de deux siècles, la France a connu cinq républiques, deux monarchies, deux empires, un Etat fasciste et de nombreuses constitutions alors que Le Royaume-Uni lui n'a pas changé de régime si ce n'est un lent renoncement au pouvoir des aristocrates au profit des roturiers sans textes, ni lois, ni révolutions... Baromètre de cet esprit sarcastique et conservateur, la BBC London a passé les deux derniers jours à se moquer de cette réforme, les journalistes insistant sur son côté incompréhensible. Dans un pays ou l'idéalisme est perçu comme frivole, on a toujours préféré un système simple et injuste à une utopie bien fondée mais confuse.

Enfin, la date du scrutin a été sacrément bien choisie pour minimiser les chances du projet. Est-le choix perfide des Conservateurs qui ont dû accepter ce référendum de mauvaise grâce à la demande des centristes? Tenter de changer le Royaume-Uni au lendemain de célébrations royales qui rendent tout Britannique fier de son passé est une vraie gageure.

Verdict demain!

2.5.11

Exit Ousama

Ben Laden n'est plus. Enfin tout du moins on l'espère. Je regrette pour ma part que son corps ne soit pas disponible pour me rassurer de ce décès et pour priver les fanatiques du triste personnage de leurs rêves de complot et de leurs faux-espoirs. Certes, une page noire se tourne dix ans après ce 11 septembre qui nous a précipités dans une ère de guerres et et surtout méfiance et hostilité entre les mondes occidentaux et arabo-musulmans. En revanche la nouvelle page qui s'ouvre n'est pas encore très claire. Le criminel est mort, pas les conflits qu'il a aidé à créer ou à perdurer.

Tout d'abord, où en est l'Iraq qui a payé le 11 septembre par une guerre injustifiée, fausses preuves à l'appui? On attend toujours qu'un regret soit exprimé à Londres ou a Washington, qu'un mot d'excuse soit prononcé pour ces centaines de milliers de morts, pour ces chaises vides aux dîners des familles meurtries, pour les enfants irakiens qui ont grandi sans père ou mère (pour reprendre presque mot pour mot le discours d'Obama qui parlait lui des victimes de Ground zero). Tout ce sang versé pour pourchasser des armes inexistantes et déboulonner un dictateur certes inique mais sûrement pas davantage que Bachar el Assad ou Kadhafi qu'on a courtisé. Et aussi, quid du bourbier afghan? Qu'y fait on encore dix ans après? Est-ce vraiment une guerre défensive? Qui protège-t-on au juste à Kaboul et ne courons-nous pas le risque de créer plus de taliban encore? Et enfin, qu'en est-il de la Palestine, la mère de tous les conflits arabo-occidentaux, la plus grande injustice financée par les Etats-Unis avec deux ou trois milliards de dollars annuels, la concupiscence et l'acceptation qu'un pays colonise les terres d'un autre sans l'ombre d'une réprobation? Les bonnes promesses de M. Obama au Caire ont vécu, laminés par l'intransigeance d'Israel et le manque de sympathie pour les victimes de ce conflit, le désintérêt terrible pour ces étrangers sur leur propre terre qu'on "judaïse" impunément, ces hommes sans droits, sans passeports, sans Etat.

Toutes ces plaies restent ouvertes et maintenant qu'Ousama n'est plus, il est temps que l'Occident travaille à les refermer. Pour éviter plus de haine et plus d'extrémisme et pour nous assurer une paix pérenne, meilleure qu'un plan vigipirate renforcé.