9.11.22

La Thaoura continue

 La thaoura libanaise, notre contestation laïque, inclusive, progressive… Beaucoup pensent que c’est déjà fini et certains préfèrent se réfugier dans le désespoir ou ce fatalisme si courant dans nos contrées…

Mais je veux vous dire aujourd’hui que la thaoura est toujours bien vivante. 

D’abord, la thaoura va bien au-delà des individus, des partis, d’une élection, ou d’une ou de deux défections. C’est une idée forte qui transcende ses représentants actuels, elle dépasse même nos frontières et concerne le Levant tout entier. C’est un appel pressant à un renouveau qui dépasse le communautarisme religieux et qui ramène enfin le progrès à nos terres éprouvées. C’est une renaissance basée sur des principes qui ne disparaîtront jamais : les droits de l’homme et de la femme, la liberté religieuse, la libération sexuelle, l’intégrité, le retour à une économie productive, à l’éducation et au respect de l’environnement…

Ce n’est pas un mouvement antireligion. C’est au contraire un mouvement qui remplace enfin la communauté sectaire recroquevillée sur elle-même par une vraie spiritualité et une morale. Un mariage civil n’empêche ni l’amour ni la fidélité. Des lois communes à tous les citoyens n’empêchent aucune pratique religieuse. Au contraire, la religion, dissuadée d’envahir les territoires civique et économique, devra justement se reconcentrer sur son vrai cœur de métier : nous apprendre à aimer Dieu et son prochain, promouvoir la charité et la tolérance, autant de thèmes totalement délaissés par nos chefs religieux au Liban. Leurs sermons du dimanche et leurs prêches du vendredi, pétris de politique et de communautarisme, en témoignent tristement. 

Alors, oui, les treize députés qui ne sont peut-être plus treize ne sont que les messagers d’une cause bien plus grande et durable qu’eux. Tout comme la balle logée dans la poitrine de l’héroïque Firas Hamdane qui, au lieu de le tuer, en a fait un symbole de ce renouveau inéluctable. Tout comme Ibrahim Mneimné ou Paula Yacoubian représentent avec courage une capitale réconciliée avec elle-même. Alors, soutenons tous nos représentants du changement. Ils le méritent. Pardonnons-leur quelques hésitations ou menues erreurs.


N’oublions pas que ce sont les seuls députés qui n’ont ni un agenda ni un financement venant de l’étranger ! Ils se battent seuls contre une mafia sectaire financée par des puissances. Soyons patients ! Acceptons que cela n’est que le début d’une longue histoire. Mais soyons conscients qu’ils sont sans doute notre seul espoir.

8.11.22

Donnez nous un candidat du Changement

 Vous êtes 13, vous êtes les seuls à porter un discours véritablement non sectaire dans notre Parlement, les seuls à ne pas avoir d’allégeance internationale établie, ni pro-Iran, ni pro-Arabie, ni pro-US. Du coup, vous êtes parfois isolés, minoritaires, raillés. On vous reproche injustement la moindre imperfection alors qu’on pardonne aux partis sectaires tous leurs échecs.

Au moment où vous essayez de former une position claire sur l’échéance présidentielle, j’ai envie de vous dire : choisissez votre candidat, osez nommer un homme ou une femme qui nous parle du rejet du communautarisme, qui établisse et incarne un programme laïc et éclairé et une feuille de route qui puisse libérer le Liban de ses crises identitaire et économique. Ne vous laissez pas coincer entre 8 et 14 Mars, montrez cette troisième voie, la seule voie. 

Bien sûr, gagner l’élection est difficile, voire impossible. On ne sait même pas si cette élection aura lieu tant le pays est paralysé et incapable de se gouverner. Mais peu importe, gagner ne devrait pas être votre seul objectif. Avoir un porte-parole qui montre cette nouvelle voie aux Libanais et au monde est une occasion que vous devez saisir. 


Un homme de religion n’est pas au-dessus de la Loi

 Pardonnez-moi de poser cette question provocante : pourquoi un prélat se sent-il libre d’apporter 460 000 dollars d’aide humanitaire en provenance d’Israël alors qu’un citoyen libanais normal ne pourrait jamais le faire ? Que cet évêque doive passer cette frontière pourtant fermée, on peut essayer de le comprendre puisqu’il doit s’occuper de ses fidèles de l’autre côté et rentrer au pays. Mais qu’il utilise son statut d’homme de religion pour ramener de l’aide et des fonds me paraît pour le moins controversé. L’État a-t-il autorisé l’arrivée d’aide humanitaire en provenance d’Israël ou de Palestine ? Et si la réponse est non, pourquoi un homme de religion aurait donc le droit de le faire alors qu’un citoyen ordinaire serait sanctionné ? 

De manière générale, tous les défenseurs d’un État de droit devraient demander à tous les hommes de religion de respecter la loi du pays au lieu de s’octroyer des droits, puis d’attiser la haine confessionnelle et crier au loup à la moindre critique ou condamnation. Vous êtes contre les armes illégales ? Vous êtes contre l’interventionnisme iranien ? Soit vous devriez alors être également contre tout homme ou femme qui se sent au-dessus de la loi à cause de son statut religieux ou autre. 

Un évêque qui ramène des produits en provenance d’Israël pense peut-être aider sa communauté mais, ce faisant, il se compromet, il attise les dissensions sectaires qui séparent les Libanais et les empêchent de se gouverner. Il met de l’eau au moulin des conspirationnistes sectaires obsédés par la guerre et il aide ceux qui utilisent le sujet israélien pour manipuler et hypnotiser leurs suiveurs. 

Évidemment, personne n’est dupe de cette justice à deux vitesses qui laisse entrer des missiles balistiques ou du nitrate d’ammonium et ferme les yeux sur tous les contrebandiers du monde, pour s’acharner sur un évêque. En revanche, pour ceux qui veulent aider les Libanais exilés en Israël, le meilleur choix serait de demander une loi d’amnistie pour nos compatriotes accusés de collaboration avec Israël. On a bien une loi concernant les années 1975-1990, pourquoi exclure cette catégorie de personnes, vingt ans après la libération du Sud ? Elles aussi pour la plupart se sont retrouvées dans cet engrenage de violence malgré elles.

Mais ad nauseam j’aimerais le répéter : hommes religieux, de grâce, occupez-vous de spiritualité et de morale et laissez la politique aux politiciens. Muftis et évêques, vous n’êtes pas au-dessus de la loi. Au contraire, on attend de vous que vous soyez des citoyens exemplaires.