28.11.10

Questions sans réponses

"Je n’ai pas entendu votre réponse Claire Chazal ?"
Petit sourire moqueur, presque sadique. Sarkozy achève sa proie.

Ceux qui ont regardé l'interview en one-man-show de Nicolas Sarkozy auront été comme moi déroutés par son inclination à poser lui meme les questions aux journalistes et les malmener sans ambage. Derrière nos écrans, on avait envie de rétorquer à la place de Claire Chazal ou de David Pujadas : « Mais ce n’est pas moi qu’on interviewe Monsieur le Président » ou alors, « Les Français veulent savoir ce que vous pensez et non pas ce que je pense ».


Peine perdue, Sarkozy a triomphé des moindres difficultés, bottant en touche toute question indisposante notamment sur les bavures sur les Roms ou autres affaires gênantes d’ordinateurs volés avec une mauvaise foi impressionnante. A la décharge des journalistes impuissants, on imagine l’ampleur de l’intimidation dans cette interview orchestrée, préformatée et qui évite au président toute surprise ou tout vrai risque, à l’inverse d’une conférence de presse classique. Apres tout, des journalistes auraient perdu leur job par le passé pour avoir fauté dans cette dangereuse arène.

21.11.10

Romeo et Juliette (Gounod)

Qu’évoque l’histoire de Romeo et Juliette au delà du balcon romantique un peu mievre et le mythe éternel des amours contrariées ?

La production de Covent Garden nous plonge bien dans l’univers noir des querelles de familles, aussi vides de sens que remplies d’amertume. Sans meme le souci d’expliquer leur origine ou de tenter de donner raison aux uns ou aux autres tant il est certain pour tous que la vendetta véronaise entre les Capulet et les Montaigu est stérile, dénuée de la moindre justification si ce n’est la bêtise humaine. On pense alors 
à tous ces pays ou les rixes sectaires les plus absurdes séparent les gens et sement la mort et le désespoir. Les décors sont sinistres et la sublime voix de Juliette accrochée à ses nombreux contre-uts est l’unique lumière dans ce sombre tableau shakespearien. Et il faut avouer que le tenor et la soprano (Piotr Beczala et Maria Alejandres) sont exceptionnels. Seule ombre au tableau, les spectateurs trop enthousiastes qui les applaudissent avant la derniere note...

Le texte de Gounod en français parait certes incongru dans une ville italienne théâtralisée par Shakespeare mais on s’y fait bien vite. Enfin, Romeo et Juliette sonne aussi comme un avertissement contre la fougue, et l’impatience avec le suicide précipité de Romeo qui se tue trop vite croyant Juliette morte avant de la voir se réveiller alors qu’il se sait perdu. Triste malentendu et terrible fin.

14.11.10

Pourquoi il faut garder Fillon

En contraste avec la majorité colorée et tapageuse qui l’entoure, on peut trouver François Fillon un peu austère et ennuyeux ; les Guignols de l’info ne le parodient-ils pas en croque-mort ? C’est vrai qu’entre les roquets ambitieux comme Jean-François Copé, les Robespierre roux et xénophobes, les Pompadour modernes à la Rachida Dati et les people qui gravitent autour de notre président, M. Fillon a des allures sacrément anti-tendance, des méthodes curieusement discrètes, décentes et modérées.

Ce que je retiendrai de M. Fillon est qu’il a su éviter la provocation et les surenchères, il a su se démarquer du populisme outrancier, il a affirmé courageusement son indépendance et s’est conduit comme un homme d’Etat, ce que les Français attendaient de lui. Nicolas Sarkozy a donc peu de raisons de le remercier et le remplacer. Il devrait au contraire le reconduire avec confiance tant il a été l’ultime rempart contre une berlusconisation du régime et parce qu’il il a évité un naufrage dans les  scandales, les chamailleries, les presses people et affaires douteuses.

Réformer la France est le programme sur lequel la France a élu Nicolas Sarkozy et ce programme a plus de chance d’aboutir avec l’expérience et la crédibilité du premier ministre actuel plutôt qu’avec un nouveau rejeton et une nouvelle aventure.

9.11.10

The social network

Que penser de Mark Zuckerberg ? L’admiration est la première réaction évidente tant Facebook est un phénomène qui a changé nos vies : Le génie de connecter les gens en assouvissant a priori leur désir de socialiser mais en y rajoutant une belle pincée ingénue de voyeurisme et de curiosité mal placée. Mais le rêve Facebook ayant vite pris des allures de cauchemar juridique, The Social Network a le mérite de nous aider à comprendre un peu mieux la complexité du personnage et la puissance du phénomène.

Dès les premières minutes du film, on se sent bel et bien dans les lieux de cette incroyable genèse : ces campus enviés de la Cote Est, peuplés de brillants étudiants, de nerds, de gicks et de fils de bonne famille trop parfaits pour être vrais. Le jeu d’acteurs est exceptionnel. Pris dans cette tempête de milliards, Jesse Eisenberg (en Mark Zuckerberg) incarne à merveille le drame de ce jeune brillantissime créateur trop jeune pour être éthique, trop fort pour être modeste, trop fragile pour conserver les valeurs qui nous sont chères et notamment celle de la fidélité aux amis et aux premiers soutiens. Et avec comme question sous-jacente : Est-il trop humain pour qu’on puisse vraiment le détester ? Justin Timberlake en fondateur de Napster nous enthousiasme vite dans son énergie et ses rêves Californiens aussi faciles que dangereux : « One Million is not cool, one billion is cool », la messe américaine a cela de bien qu’elle est toujours dite en si peu de mots.

Un bon film parce que le sujet ne peut nous laisser indifférent. A l’exception de quelques irréductibles fanas de vie privée et de faux-pudiques trop occupés, la machine Facebook est infernale et nous emporte tous sur son passage.

6.11.10

Pragmatisme ou populisme

Etonnant ballet de Novembre pour nos dirigeants européens. La ou David Cameron excelle par l’application stricte de ses promesses de rigueur dans une ambiance de résignation bien britannique, la ou Nicolas Sarkozy fait passer sa réforme contre toute attente dans une France secouée par les convulsions sociales, Silvio Berlusconi doit s'expliquer sur ses orgies et sombre dans une décadence oubliée depuis les Médicis et Caligula sous l’œil affligé de l’opinion internationale.

En ces jours ou les londoniens arborent le coquelicot rouge en mémoire des soldats tombés, on peut se féliciter de la signature d’accords de coopération entre les armées françaises et britanniques pour son bon sens stratégique et économique mais aussi parce qu’elle rapproche la France et son président d’un premier ministre anglais pragmatique, sobre et poli (eh oui! c'est rare!) plutôt que l’envoyer surfer avec les scandales et le populisme nauséabond. Stratégies qui l’ont malheureusement trop souvent tenté.

1.11.10

Pour ou contre Halloween?

Halloween de plus en plus célébré en Europe et tout particulièrement à Londres. Cette fête venue d’ailleurs semble combler un vide sentimental et émotionnel dans nos sociétés en manque de repères, en perte de spiritualité, et par là même en soif d’occasions de célébrer les choses ensemble.


En trainant mes enfants dans les rues bien animées de Parsons Green, je contemplai perplexe les sorcières et les vampires, les citrouilles décorant les maisons et les fausses toiles d’araignée sur les bosquets. On peut y voir l’ultime coup d’une société vide de vérités et avide de futilités mais on peut aussi se consoler qu’au moins Halloween nous amuse et nous fait célébrer avec nos voisins sans prétendre justement apporter la moindre (fausse) spiritualité. Et du coup, elle est par définition ouverte à tout le monde.

A l’inverse des Saint Valentin ou autres fêtes inventées et qui s’inventent un sens, Halloween a au moins le mérite de faire la fête sans prétendre changer le monde ni chasser le moindre esprit. Il faut dire que les esprits eux sont déjà bien ensevelis sous les cadeaux et coffrets de Noel dans tous les grands magasins londoniens.