22.6.11

Dîner dans le Noir

Drôle d'expérience que ce diner dans le noir total. Et pas seulement parce que vous vivez quelques moments de la vie d'un aveugle et que vous goûtez brièvement à son quotidien. L'absence de lumière et de couleur laisse naître des émotions contradictoires. L'inquiétude qui s'empare de vous est au départ immense mais les serveurs complaisants la modèrent et vous rassurent.

Comme il s'agit de manger, ce n'est pas sans une certaine animalité que vous vous retrouveze face à une assiette dont le contenu vous échappe. Peu importe, personne ne vous voit y mettre la main discrètement pour vérifier que l'assiette est vide. Je pensais que l'odorat m'aiderait bien pour deviner ce qui est servi, décarcassé du carcan de la vision, mais même dans le noir, sa faiblesse est patente. Le bon sens et l'instinct eux prévalent, on trouve des moyens, on remplit les verres en y mettant un doigt, on tâtonne maladroitement. La conversation dénoue la tension. La serveuse aveugle mène le bal et nous raconte qu'elle chante dans une chorale. On nous dit que ceux qui voient parlent naturellement beaucoup trop fort quand ils sont dans le noir.

Puis lorsqu'on vous appelle pour vous dire que c'est fini, il y a curieusement -en tout cas pour moi- une surprenante sensation de regret, ce "comment? c'est déjà la fin?" inattendu et qui vous dit bien qu'on s'habitue bel et bien a tout! Et l'aimable Sarah qui nous recommande de ne pas regarder la lumière directement, se méfier du crépuscule et nous protéger les yeux. Elle dont les yeux sont muets, je l'embrasse pour la remercier. A faire au moins une seule fois.

16.6.11

Impuissants pour la Syrie

Des milliers de réfugiés aux frontières turques ou libanaises, des villages entiers jetés en prison, des soldats qui se rebellent, la Syrie est véritablement entrée en ébullition.

Cette révolte au départ timide, qu'on croyait vouée à se décourager face à une machine de guerre impitoyable, cette vague de colère née ça et là dans des campagnes méconnues, la voilà qui gronde sans arrêt, la voilà qui pousse partout dans les villes et qui s'épanche malgré la peur, les dangers et la terreur officielle orchestrée par un régime aux abois. Que peut-on faire pour ces Syriens qu'on assassine impunément? Militer pour une intervention militaire? Le bourbier Libyen semble vouloir nous en dissuader sans compter les nombreux dangers qu'une nouvelle aventure militaire pourrait engendrer: guerre au Liban, flambée israélo-arabe ou autre artifice de diversion dont le Baas Syrien est spécialiste.

Mais comment aider ces gens, les soutenir dans ce combat si juste? Prier pour la Syrie? Est-ce suffisant?

15.6.11

Il faut reconnaître la Palestine

En septembre à l'ONU, se posera la question de la reconnaissance d'un Etat Palestinien sur les frontières de 1967. J'espère que de nombreux pays et notamment les puissances Occidentales accepteront de faire ce geste historique en faveur des droits des Palestiniens à disposer de leur terre.

En 1948, dans des circonstances différentes mais avec plusieurs similarités, l'ONU avait voté la création de deux Etats, l'un Juif, l'autre Arabe. Les Occidentaux trop pressés de résoudre le bourbier Palestinien et panser, autant que faire se peut, les plaies encore béantes de l'Holocauste y ont vu une solution miracle. Les Palestiniens, erreur historique, l'avaient rejeté en bloc tant ils ne pouvaient imaginer que leurs terres, leurs villages, leurs villes soient perdues à jamais au bénéfice de colons et de réfugiés venus d'Europe à l'instigation de la puissance coloniale britannique. Ils ne s'en sont jamais remis.

Aujourd'hui, la situation semble inversée. Les victimes sont moins les Juifs que les Palestiniens et un consensus mondial se fait autour de la nécessité de créer un Etat en Cisjordanie et à Gaza (avec échange de quelques terres colonisées contre des lambeaux de désert...), et cela en échange d'une paix et d'une reconnaissance d'Israël. Les pays Arabes s'y sont aussi résolus dès 2002 et c'est seul  Israël qui maintenant s'entête (notamment la Droite au pouvoir). Ayant occupé illegalement ces territoires pendant si longtemps, ils s'imaginent les posséder nonobstant une réalité démographique et humanitaire évidente. Erreur tout aussi grave que celles des Palestiniens en 1948?

C'est pour cette raison qu'il est urgent que l'Occident donne aux Palestiniens modérés une raison de croire en leur choix pour la non violence et la construction d'un Etat. Certes l'Autorité Palestinienne est imparfaite mais elle a le mérite d'exister dans des conditions épouvantables et humiliantes faites de blocus et de barrages. Certes ce sera surtout un symbole et la réalité militaire sera inchangée sur le terrain mais c'est un symbole très fort. Il ne faut pas oublier que les émotions jouent dans ce conflit un rôle énorme. La moindre humiliation y entraîne des guerres meurtrières mais une main tendue peut calmer les esprits les plus belliqueux. Espérons que M. Obama et ses alliés osent s'y aventurer. Il n'y a en fin de compte pas grand chose à y perdre à part sans doute une nouvelle crise de nerfs de M. Netanyahu...

11.6.11

Simplifier ou Gaspiller

Contraste saisissant entre l'actualité politique française peuplée de scandales sexuels affligeants et de débats populistes xénophobes (comme les récentes convulsions contre la double nationalité) d'une part et le sérieux de la situation du pays entre menaces de déclassement des agences de notation et absence de croissance, de réformes et de programmes économiques.

Méchant binational que je suis, je me suis retrouvé au Consulat de France à Londres pour retirer le passeport de mon fils. Ma femme avait déjà passé près d'une matinée entière dans une salle d'attente pour donner tous les documents. Je pensais que ce serait rapide. J'arrive pour l'ouverture et je dois attendre dans le froid avec mon fils de quatre ans (sa présence est impérative...). Ça me rappelle quand j'étais étranger et que je passais de longues matinées pour renouveler ma carte de séjour. C'etait une file d'attente beaucoup plus longue et plus stressante mais étrangement plus facile à supporter: J'étais l'étranger, il était naturel pour moi de patienter, de souffrir un peu pour obtenir mes documents, j'étais demandeur. Mais là, c'est étrangement pénible.

Je finis par rentrer enfin, et là, des hordes de fonctionnaires s'affairent. Je pensais que le passeport serait disponible au guichet. Non, on me dit que je dois patienter dans une salle déjà bondée pour qu'une fonctionnaire me fasse signer des documents et vérifie les empreintes de mon fils. Je renonce à arriver à l'heure à mon rendez-vous de travail mais mon fils reste patient, la salle est moderne et propose une télévision à écran plat! Enfin, on m'appelle. Je signe un papier. Personne ne regarde l'enfant, j'aurais pu prendre un ours en peluche. Je ressors une heure plus tard en réfléchissant à ces pays qui renouvellent les passeports par correspondance et à l'argent public qu'on gaspille par des réglements absurdes. Je me demande qui osera simplifier la France et investir pour booster notre économie plutôt que pour rallonger les procédures et faire attendre les citoyens.

4.6.11

Europe Adieu?

Est-ce le début de la fin de l’Union Européenne ? De nombreux signes avant-coureurs semblent malheureusement le démontrer.

Le divorce avec l’opinion publique semble être consommé. Seuls les Etats des Balkans et la Turquie semblent encore rêver de ce club prospère et pacifique fondé en 1957. A l’intérieur du club, Les mouvements anti-européens n’ont au contraire jamais été aussi puissants. La Commission Européenne est un des principaux épouvantails brandis comme dans les manifestations à Madrid. Ailleurs, l’Europe est un sujet de controverse au mieux comme en Irlande, ou de moquerie comme en Angleterre.

L’élargissement précipité a l’Est a ébranlé la cohésion déjà imparfaite de l’Union. Entre pays corrompus et souffrant de systèmes mafieux comme la Bulgarie ou la Roumanie, les pays au tropisme Atlantique comme la Pologne, les agendas sont presque aussi nombreux que les langues parlées à Bruxelles, triste double-capitale d’un pays symbole de désunion. L’utopie supra nationale est comme tombée justement là où elle est née entre Flandres et Wallonie.

La politique étrangère de l’Union est inexistante, Catherine Ashton est invisible et le rôle de l’Europe est minime sur tous les grands sujets. Le plus fort symbole qu’était l’Union monétaire ne semble exister que pour la simple raison qu’il serait trop difficile et coûteux de le remettre en cause. Schengen est dépecé par les loups du populisme et la peur de l’immigration. Les signes d’antipathie entre l’Allemagne et la France sont flagrants. A l’ère de la mondialisation, de la crise et du déclin des exportations, le chacun pour soi règne en seul maitre.
C’est un peu comme ces clubs très cool et très select qui se retrouvent banals et délétères car ils ont admis trop de membres, trop vite et qu’ils y ont perdu leur raison d’exister.

3.6.11

Win win

Win win est une bonne surprise. La comédie dramatique américaine parait banale et manque de rythme de prime abord : Le père de famille ordinaire, avocat médiocre a la vie étouffante entre le manque d’argent et des hobbies improbables et sa femme aussi américaine que moyenne, ca ne fait pas rêver.

Mais ces gens insipides se retrouvent soudainement devant des responsabilités et des émotions et ils se sentent investis de devoirs envers d'autres et d’affection pour des personnages attachants, tout d’un coup, par hasard. La sortie de la banalité, la sortie de l’ennuyeux se transforment alors en soulagement pour le spectateur. Même ceux qui croyaient avoir raté leur vie peuvent d’un coup lui retrouver un sens et y prendre gout.

1.6.11

Ratko et Djoko

Drôle de printemps animé d'alphas et d'omegas, d’anges et de démons.

Je pense au rebelle Libyen adolescent et innocent et au vieux colonel pourri qui fait tirer sur le peuple et s’accroche, je vois la manifestante syrienne se jeter dans la gueule d’une police tueuse championne de la répression, je n'oublie pas ce clivage français entre hommes normaux et hommes pervers et je termine par l’amusant concours de circonstance qui propulse ensemble au devant de la scène serbe le tennisman le plus adulé et le militaire psychopathe le plus détesté.

L’un nous fait rire et suscite l’admiration partout (Vogue US lui consacre même plusieurs pages ce mois-ci), l’autre nous plonge dans les pires souvenirs d’une guerre qu’on pensait impossible. Je me réjouis évidemment que les clichés en souffrent et que l’homme Serbe ne soit plus réduit à des apparatchiks poursuivis pour génocide. En espérant que d’autres nations à l’image noircie se parent bientôt de leur Novak et qu’elles démontrent qu’elles peuvent faire rêver… aussi.