26.10.24

Mohammad Farhat est tombé / Major Farhat is dead




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IN FRENCH

Ce matin je me réveille et ouvre avec d’appréhension comme tous les jours les nouvelles du matin. 


J’apprends la mort de trois soldats de l’armée libanaise sous le feu déchaîné de l’ennemi. Pourtant, l’armée libanaise n’a pas pris part aux combats de cette guerre décidée par les autres pour le Liban, et à ses dépens comme d’habitude. 


J’ai trouvé leurs trois visages dans un post sur X. Ils auraient dû faire la une de nos journaux. Pourquoi sont ils morts? Quels êtres chers ont ils laissé? Ils s’étaient enrôlés pour servir notre drapeau, si beau et si fragile. Et ils ont été  abandonnés par un gouvernement faible et sclérosé, un président qu’on n’élit pas, un parlement pris en otage par les partis confessionnels, l’Iran et ses sbires.


Mohammed Farhat, Mohammad Nazzal et Moussa Mahna étaient nos héros. Ils essayaient de faire leur devoir à la frontière sud, montrer que cette terre nous appartient et que le Liban voudrait la contrôler. Farhat s’était distingué pour avoir tenu tête seul aux soldats israéliens qui tentaient de modifier la ligne bleue. Hommage à lui et à ses compagnons. Et aussi à leurs proches dont la douleur est celle de toute une nation.  Nous leur devons le très peu qu’il nous reste, dans ce pays en lambeaux.


Puisse cette tragédie  nous réveiller tous! Si des élections venaient à avoir lieu, quand vous serez tentés de glisser encore une fois votre voix pour élire un leader milicien ou un parti religieux, quand vous choisirez le raidissement sectaire, par peur ou habitude, rappelez vous que c’est le vote confessionnel qui tue notre armée, c’est  cette maladie de la division qui nous a pris notre Mohammad Farhat. 




IN ENGLISH 

In the  morning I wake up and open the news with apprehension, as I do every day.

I learn of the death of three soldiers of the Lebanese army under the unleashed fire of the enemy. However, the Lebanese army did not take part in the fighting of this war decided by others for Lebanon, and at its expense as usual.

I found their three faces in a post on X. They should have made the front page of our newspapers. Why did they die? What loved ones did they leave behind? They had enlisted to serve our flag, so beautiful and so fragile. And they were abandoned by a weak and sclerotic government, a president who is not elected, a parliament taken hostage by the confessional parties, Iran and its henchmen.

Mohammed Farhat, Mohammad Nazzal and Moussa Mahna were our heroes. They were trying to do their duty on the southern border, to show that this land belongs to us and that Lebanon would like to control it. Farhat distinguished himself by standing alone against the Israeli soldiers who were trying to change the blue line. Tribute to him and his companions. And also to their loved ones whose pain is that of an entire nation. We owe them the very little we have left, in this country in tatters.

May this tragedy wake us all up! If elections were to take place, when you are tempted to slip your vote once again to elect a militia leader or a religious party, when you choose sectarian hardening, out of fear or habit, remember that it is the confessional vote that is killing our army, it is this disease of division that took our Mohammad Farhat from us.

21.10.24

17 octobre: la question reste la même 🇱🇧



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IN FRENCH 

Entre l’abomination israélienne et l’obscurantisme nihiliste de ses opposants, nous voilà, plus que jamais, entre le marteau et l’enclume. 

Malgré sa faiblesse militaire, il fut un temps où le Liban avait  pu résister à la malédiction israélienne, par son ouverture sur le monde, son succès à protéger sa population juive (et même l’augmenter dans les années 50-60), sa capacité à mobiliser la scène internationale en tant que membre fondateur de l’ONU et de la ligue arabe, sa capacité à construire un pays relativement prospère malgré ses divisions religieuses patentes.  Il aurait pu être aux côtés de l’Afrique du Sud à la cour pénale internationale. En donnant des droits identiques à ses citoyens de toutes religions (mis à part son carcan politique), c’était un pays message en opposition cinglante à un État qui privilégie les Juifs du monde entier aux indigènes non -Juifs qu’il occupe et asservit. 

Tout cela est parti en fumée depuis belle lurette. Nous sommes devenus depuis 1969, un État fantôme, où n’importe quel caïd aguerri peut humilier la République, et où n’importe quel turban ou tiare sont davantage écoutés que la voix de l’autorité sensée protéger le pays.

Ce chaos de divisions et de corruption est devenu notre quotidien depuis plus de 50 ans. Aux guéguerres miliciennes, aux agressions israéliennes et aux diktats syriens ont succédé les rixes mafieuses et influences Iraniennes. Et notre beau petit pays continue à se consumer de l’intérieur.

Aujourd’hui, nos enfants sont brûlés, nos souks, églises et mosquées anéantis sans qu’on puisse crier gare. Le pouvoir n’est plus là depuis longtemps. On l’a abandonné tour à tour à l’OLP puis à Israël puis à la Syrie puis à l’Iran et voilà le résultat, des gens divisés dans un champ de ruine fumant, des villages où on voudrait pouvoir accueillir l’autre mais où on craint le bombardement  de l’ennemi, des quartiers ou même la charité et la bienveillance sont devenues danger de mort. 

En cet anniversaire du 17 octobre, date à laquelle on avait voulu croire à un changement, la question demeure la même : Quand nous réveillerons nous de cette torpeur et rejetterons ces leaders confessionnels qui nous ont conduit à l’échafaud?

IN ENGLISH

October 17: The question remains the same 🇱🇧

Between the Israeli abomination and the nihilistic obscurantism of its opponents, here we are, more than ever, between a rock and a hard place.

Despite its military weakness, there was a time when Lebanon was able to resist the Israeli curse, through its openness to the world, its success in protecting its Jewish population (and even increasing it in the 1950s and 1960s), its ability to mobilize the international scene as a founding member of the UN and the Arab League, its ability to build a relatively prosperous country despite its obvious religious divisions. It could have been alongside South Africa at the International Criminal Court. By giving equal rights to its citizens of all religions (apart from its political mesdiness), it was a Symbolic country in scathing opposition to a state that privileges Jews around the world over the non-Jewish natives it occupies and alienates.

All this has gone up in smoke for a long time. Since 1969, we have become a ghost state, where any seasoned thug can humiliate the Republic, and where any turban or tiara is listened to more than the voice of the authority supposed to protect the country. 

This chaos of divisions and corruption has become our daily life for more than 50 years. Militia wars, Israeli aggressions and Syrian diktats have been followed by mafia brawls and Iranian influences. And our beautiful little country continues to burn itself from the inside. 

Today, our children are killed, our souks, churches and mosques destroyed without warning. The government has been absent for a long time. We abandoned it in turn to the PLO, then to Israel, then to Syria, then to Iran, and here is the result: people divided in a field of smoking ruins, villages where we would like to be able to welcome others but where we fear the bombing of the enemy, neighborhoods where even charity and benevolence have become mortal dangers.

On this anniversary of October 17, the date on which we had wanted to believe in a change, the question remains the same: When will we wake up from this torpor and reject these confessional leaders who led us to the scaffold?

8.10.24

Ce mal qui nous dévore


Cette guerre interminable entre Israël et ses voisins  est un grand mal chronique qui dure depuis plus de 75 ans et qui ne fait qu’augmenter en cruauté et en intensité. Quels que soient nos désaccords sur les origines de ce conflit, qu’elles soient coloniales et suprémacistes pour les uns, ou existentielles et bibliques pour les autres, aucun des protagonistes ne peut nier les horreurs innombrables qu’il a provoquées sur son chemin. 


Depuis le 7 octobre 2023, cette maladie grave faites de poussées et de rémissions provisoires est clairement passée à un nouveau stade beaucoup plus critique. Les crimes de guerre s’accumulent. La déshumanisation de l’autre est à son pic.  L’ampleur des pertes civiles est exponentielle. Et la passivité, mêlée d’incompétence ou de complicité, des grands de ce monde ressemble à celle d’un mauvais médecin qui nous tue par ses palabres et faux remèdes. 


Pour nous,les rares modérés qui résistent encore à la tentation de haïr l’autre, l’amertume est immense. Tout comme cette douleur de voir mon Liban natal à nouveau détruit par cette guerre sans fin. Mon pays est pris en tenaille entre un Iran obscurantiste qui l’utilise comme son kamikaze depuis 24 ans, et un Israël abominable, plus virulent et impérialiste que jamais. Nos compatriotes, devenus chair à canon, sont mutilés ou décimés par le rouleau compresseur, et nos villages et quartiers brûlés une fois de plus, sans aucun résultat, à part celui d’engendrer encore plus de haine et de rancoeur. A cette tristesse s’est rajouté le chagrin de voir nos frères palestiniens massacrés à Gaza par milliers.  Jamais de notre vivant n’avait-on assisté à une extermination aussi méthodique de toute une population et de son habitat.  Mais en cet anniversaire morbide, et quelles que soient mon dégoût et mon rejet de la politique et de l’idéologie israéliennes, je veux aussi  me souvenir de ces centaines de civils israéliens innocents massacrés par le Hamas il y a un an. Je veux penser à  ces familles endeuillées et à celles qui attendent encore leurs proches depuis  déjà douze mois. Je prie pour ces otages innocents qui croupissent sans espoir, abandonnés par leur gouvernement. Leur douleur est aussi la nôtre. 


Au risque d’en irriter certains, je voudrais qu’on éloigne de nous cette obligation de toujours comparer nos peines, ou de justifier les crimes de guerre quand ils nous arrangent. Qu’on  n’ait plus jamais peur de montrer de l’empathie, même envers un adversaire. Et qu’on trouve tous un jour le courage de ne pas laisser la rancune et la haine nous prendre indéfiniment en otage. Peut être et seulement alors, pourrions-nous guérir de ce grand mal qui nous dévore.



3.10.24

Le pays de l’amour

 THE COUNTRY OF LOVE OR MAHABBÉ


Arabic is the language of nuanced emotions. A single word describing an emotion in English or French is generally translated into a multitude of expressions in Arabic-speaking countries such as Lebanon.


For example, the English word “Love” can be translated as hobb (love with a capital L which includes seduction) but also mahabbé (love as an unconditional, pure and spiritual bond), an essential value in our Eastern culture.


At a time when our little Lebanon, so weak and divided, finds itself facing the Israeli Armageddon, while our villages are razed, our children killed and mutilated, we see the re-emergence of small buds of this Lebanese mahabbé, a fraternity and solidarity that we thought had been lost in our country.


The temptation to condemn Hezbollah and its sympathizers for this new irresponsible adventure is understandable. It is often boosted by the sectarian fears and mistrust that are so strong in our country. However, I have mostly seen NGOs resolutely hostile to Hezbollah offering housing to shelter refugee families. I admired this ex-phalangist comedian attracting the wrath of his audience by calling for love of one’s neighbor and forgiveness. I have heard doctors of all faiths, whose anti-Hezbollah obedience is beyond doubt, spend their nights removing fragments of pagers and crying because of the number of mutilated eyes they have seen.


Perhaps we should thank this corrupt and bloodthirsty monster that governs Israel for having involuntarily excavated from our depths the fragile but still living remains of this brotherly love. This “Mahabbé” that is part of our Levantine DNA had been neglected for too long when it should have been erected as a national value that unites us.


Finally, when the nightmare is over, let us hope that those who have chosen war and Iran over life and the State will reach out to their opponents instead of despising them. May the sectarian fears that have devoured us for too long finally recede. When we find ourselves face to face in our devastated Lebanon, let us hope that this “Mahabbé” remains and finally saves us from our lethal divisions.


LE PAYS DE L’AMOUR OU LA MAHABBÉ 


L’arabe est la langue des émotions tout en nuances. Un seul mot décrivant une émotion en anglais ou en français se traduit généralement en une multitude d’expressions dans des contrées arabophones comme le Liban.


Par exemple, le mot français amour peut se traduire par hobb (l’amour avec un grand A qui englobe l’amour charnel) mais également mahabbé (l’amour comme lien sans conditions, pur et spirituel), une valeur essentielle dans notre culture orientale.


En ces moments où notre petit Liban, si faible et divisé, se retrouve face à l’Armageddon israélien, alors que nos villages sont rasés, nos enfants tués et mutilés, on voit resurgir des petits bourgeons de cette mahabbé libanaise, une fraternité et une solidarité qu’on croyait perdues dans notre pays.


La tentation de condamner le Hezbollah et ses sympathisants pour cette nouvelle aventure irresponsable est pourtant compréhensible. Elle est souvent dopée par les peurs et méfiances sectaires si fortes dans notre pays. Néanmoins, j’ai surtout vu des ONG résolument hostiles au Hezbollah proposer des logements pour abriter des familles réfugiées. J’ai admiré ce comédien ex-phalangiste s’attirer les foudres de son audience en appelant à l’amour du prochain et au pardon. J’ai entendu des médecins de toutes confessions, dont l’obédience anti-Hezbollah ne fait aucun doute, passer leurs nuits à enlever des éclats de bipeurs et pleurer à cause du nombre d’yeux mutilés qu’ils ont vus.


Peut-être nous faut-il remercier ce monstre corrompu et assoiffé de violence qui gouverne Israël d’avoir involontairement excavé de nos profondeurs les restes fragiles mais encore vivants de cet amour fraternel. Cette mahabbé qui fait partie de notre ADN levantin a été trop longtemps négligée alors qu’elle aurait dû être érigée comme valeur nationale qui nous rassemble.


Enfin, quand les portes de cet enfer se refermeront, on espère que ceux qui ont choisi la guerre et l’Iran contre la vie et l’État tendront la main à leurs opposants au lieu de les mépriser. Que les peurs sectaires qui nous dévorent depuis trop longtemps puissent enfin reculer. Lorsque nous nous retrouverons face à face dans notre Liban terrassé, espérons que cette mahabbé demeure et qu’elle nous sauve enfin de nos divisions létales.


27.9.24

Violence and Dignity

 Violence and Dignity



Being a member of a party hostile to Israel has become sufficient grounds for assassination. No need to be a militiaman who fires rockets at Galilee, nor to be a high profile chief  in command of a seasoned brigade, it is enough to be a member and to have received a pager to be mutilated or killed.


In our divided and troubled Lebanon, this latest shock is yet another test. After the double explosion at the port, the failure of the State, the war in the South and the ongoing massacre in Palestine, here is a plague of a new kind that has struck the country.


Of course, a large part of the Lebanese is opposed to this State within the State that Hezbollah has become. This radical movement has paralyzed the economy and the management of the country and has seized the power to make war or peace without any regard for its opponents. It even murdered a good number of them.


However, seeing members of this party being cowardly and blindly murdered in a diabolical plot should only lead to one reaction from all Lebanese. We must condemn this new type of violence that only plunges our region further into chaos. Show empathy towards victims by the thousands. And sorry to tell you but rushing as some have done to post anti-Hezbollah diatribes today is not worthy of our grieving nation.


Whatever our deep disagreements, whatever the trials our small country has gone through, I still dare to hope that our compassion and love of the neighbor have not completely abandoned us. Whether we like it or not, these victims are members of our dysfunctional Lebanese family. No matter their religion, no matter their political choices or allegiances! They are our brothers and they grew up here just like us. They have experienced war and occupation like us. When explosives are scattered by the thousands to annihilate them, it is our duty to be at their side and support them. Otherwise, how would we still dare to claim that we are a nation? And why should we be surprised tomorrow when their children still prefer mullahs to our little Republic in tatters?


In French 


Violence et Dignité 


Être membre d’un parti hostile à Israël est devenu un motif suffisant pour être  assassiné. Pas besoin d’être un milicien qui envoie des roquettes  sur la Galilée, ni d’être un cadre aux commandes d’une brigade aguerrie, il suffit d’être membre et dmavoir reçu un bipeur pour être mutilé ou tué. 


Dans notre Liban si divisé et mal au point, ce dernier choc est un test de plus. Après la double explosion du port, la faillite de l’Etat, la guerre dans le Sud et le massacre en cours en Palestine, voici qu’une plaie d’un genre nouveau s’est abattue sur le pays. 


Bien sûr,  une grande partie des Libanais est opposée à cet État dans l’Etat qu’est devenu le Hezbollah. Ce mouvement radical a paralysé l’économie et la gestion du pays et a accaparé le pouvoir de faire la guerre ou la paix sans aucun égard pour ses opposants. Il a même assassiné un bon nombre d’entre eux. 


Cependant, voir des membres de ce parti se faire lâchement et aveuglément assassiner dans un complot diabolique ne devrait conduire qu’à une seule réaction de la part de tous les Libanais. Il nous faut condamner cette violence d’un type nouveau qui ne fait que précipiter notre région encore plus dans le chaos. Montrer de l’empathie envers des victimes par milliers. Et pardon de vous le dire mais s’empresser comme l’ont fait certains de poster des diatribes anti Hezbollah aujourd’hui n’est pas digne de notre nation endeuillée. 


Quelques soient nos profonds désaccords, quelles que soient les épreuves que notre petit pays a traversées, j’ose encore espérer que notre compassion et l’amour du prochain ne nous aient pas totalement abandonnés. Que nous le voulions ou pas, ces victimes sont des membres de notre famille libanaise dysfonctionnelle. Peu importe leur religion, peu importe leurs choix politiques ou leurs allégeances! Ils sont nos frères et nos voisins  et ils ont grandi ici tout comme nous. Ils ont vécu la guerre et l’occupation comme nous. Quand des explosifs sont disséminés par milliers pour les annihiler, c’est notre devoir d’être a leurs côtés et de les soutenir. Dans le cas contraire, comment oserions nous encore prétendre que nous formons une nation? Et pourquoi nous étonnerons nous demain quand leurs enfants préféreront encore des mollahs à notre petite République en lambeaux?

24.7.24

Tante Aida



 Tante Aida


Ma tante était une femme d’une grande bonté. Sa gentillesse exceptionnelle s’étendait à tous, petits, grands, proches mais aussi les étrangers et nouveaux venus.  Même les aide-soignantes arrivées à son chevet les derniers mois avant son départ l’adoraient et la gâtaient. C’est que sa générosité, l’auto dérision qu’elle maniait avec aisance et son sens de l’humour pétillant nous charmaient tous. Le vide qu’elle laisse aujourd’hui dans nos cœurs en est d’autant plus béant. 


Il y avait chez elle cette petite touche d’originalité et d’impertinence si rafraîchissante. Elle se moquait gentiment des conventions et du qu’en dira-t-on, chose bien rare dans nos familles Beyrouthines. Elle était aussi créative et inspirée. Je me rappelle encore ce moment où elle décida avec ses sœurs et proches de fonder une marque du chocolat. Ou son habileté inégalée quand elle ciselait méticuleusement les gourmandises levantines, sambouseks, kebbés et maamouls magnifiques!, avec la patience et l’art de bien faire les choses et surtout, de faire plaisir.  


Je me rappelle aujourd’hui cet été chez elle à la montagne où ma sœur et moi passèrent de si bons moments avec nos cousins. Des images défilent avec son insistance légendaire à nous combler d’attentions, de jus de fruits ou de douceurs. Elle nous réprimandait à peine et savait plutôt comment nous faire regretter nos écarts, sans jamais en faire un drame. Je repense à son sourire si désarmant, et cela  jusqu’aux derniers jours, quand elle me voyait rentrer de voyage où qu’elle essayait de me battre encore à la « Bassra ». Je me console enfin en me disant qu’elle a peut être retrouvé son époux, mon cher parrain, et qu’ils veillent sur nous de la-bas avec la même tendre et constante bienveillance dont ils nous ont comblés toute notre enfance. 


Adieu chère tante Aida, je suis bien triste de ne pas être là pour t’embrasser une dernière fois  dans cette belle église qui nous a vus grandir. Je sais que ton image restera à jamais intacte dans nos cœurs. 

30.5.24

Le narratif est tombé


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Le puissant narratif occidental et israélien sur le conflit en Palestine vit ses derniers jours. Ce mur de justifications favorables à l’Etat d’israël, oblitérant  la cause palestinienne, s’était déjà fissuré ces dernières années. Il est désormais tombé. 


Pourtant, ce narratif était d’une puissance sidérante. Pendant des décennies, même ceux qui sympathisaient avec les Palestiniens et leur destin tragique, s’était laissés convaincre que tout cela était un peu la faute des dirigeants palestiniens et arabes. Qu’ils avaient fait tous les mauvais choix, qu’il auraient dû accepter le partage de leur terre

 en 1948, que la majorité des Palestiniens était partie de son propre gré, et que les Arabes étaient violents, mauvais perdants, ou que les accords d’Oslo avaient échoué à cause du terrorisme. On nous disait non sans condescendance: « Les Palestiniens n’ont jamais raté une opportunité de rater une opportunité ». Et beaucoup y ont cru.


Les médias et les dirigeants occidentaux avaient ainsi mis sous le tapis l’aspect colonial et raciste d’un projet dont l’objectif pourtant ouvert était de déposséder le plus faible pour installer le plus fort avec des justifications d’ordre messianique ou pratique, comme celle de laver les horreurs de l’Holocauste en offrant un État au peuple Juif. 


Certes, tout le monde n’y avait pas cru. Par exemple, le chanteur Renaud chantait seul dans les années 80:

« Où est la Palestine? Sous quelle botte étoilée, derrière quel barbelé, sous quel champ de ruines? (…) Combien de victimes? Combien de milliers d’enfants dans les décombres des camps deviendront combattants? »

Ses paroles, pourtant si clairvoyantes,  étaient inaudibles devant le vacarme du narratif pro-israélien constamment alimenté de biais occidentaux et anti-arabes, ou depuis le 11 septembre 2001, d’islamophobie galopante.


En 2024, huit mois après le début de la guerre à Gaza, il ne reste plus grand chose de cette histoire écrite par des gagnants pour justifier l’injustifiable. Déjà, le refus de la solution à deux États affiché par la droite israélienne depuis les années 90 contrastait avec le mythe du sioniste pacifique constamment menacé  par des hordes d’Arabes assoiffées de sang. Pire encore, la colonisation effrénée des terres palestiniennes occupées a transformé la Cisjordanie  en une ribambelle de bantoustans encerclés par des colonies. Le fait que ces implantations illégales soient  ouvertes aux Juifs du monde entier mais totalement interdites aux indigènes non-Juifs est pour le moins embarrassante pour ceux qui ont toujours dépeint Israël comme une démocratie éclairée. Ce régime d’apartheid est ainsi devenu  un véritable cancer pour Israël, si virulent qu’il ne peut plus s’en défaire. Les images de jeunes colons arrogants, souvent nés en Occident, et venus déposséder les Palestiniens du peu qui leur reste, ont choqué  le monde entier. 


Aujourd’hui, si le Hamas est bien le  mouvement obscurantiste qui n’hésite pas à recourir à des crimes de guerre et attaquer les civils, le monde entier a  aussi enfin découvert que Netanyahu lui même avait ouvertement renforcé cet ennemi pour empêcher toute émergence d’un État Palestinien. Ensuite, une armée israélienne vengeresse a massacré des dizaines de milliers de civils sous des tonnes de bombes dans un génocide couvert par tous les médias, les ONG israéliennes et les réseaux sociaux. Tsahal qui s’auto-proclamait l’armée la plus morale du monde a entassé les déplacés dans des camps et affamé leurs enfants, dans l’espoir ouvertement affiché par plusieurs ministres israéliens de se débarrasser une fois pour toutes des Palestiniens de Gaza. On a brûlé des hôpitaux, tué des volontaires occidentaux, dynamité des universités et détruit les écoles et les mosquées. Le régime  qui prétendait être une démocratie est devenu un paria tout aussi féroce mais autrement plus puissant que le Hamas.


Quand même de l’intérieur d’Israel, médias et ONG dénoncent ces crimes de guerre, quand des Juifs du monde entier manifestent contre  cette vengeance en scandant “not in my name”, quand les dirigeants occidentaux se font huer à chaque discours, on comprend que le puissant narratif occidental pro-israélien est définitivement tombé. Preuve en est, des campements dans les meilleures universités américaines ont vu les élites de demain adopter la cause Palestinienne étouffée si longtemps. La Cour internationale de Justice a suivi le mouvement en émettant des mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens et ceux du Hamas, renvoyés dos à dos pour les horreurs qu’ils commettent. 


En conclusion, et au delà de ce rééquilibrage médiatique, que faire de cet éternel Armageddon du Proche-Orient? Il n’y a jamais vraiment d’autre issue pérenne que les solutions basées sur la justice et les droits de l’homme.  Le droit des Palestiniens à vivre chez eux sans barrages, spoliations et occupation. Le droit des Juifs Israéliens à vivre en sécurité mais sans être supérieurs aux non-Juifs. Pourquoi ces droits seraient-ils si profondément inconciliables? 


IN ENGLISH


The Narrative Has Fallen


The powerful Western and Israeli narrative about the conflict in Palestine is living its last days. This wall of justifications favoring the State of Israel, obliterating the Palestinian cause, had already cracked in recent years. Now, it has liierally fallen apart.


Yet, this narrative was astoundingly powerful. For decades, even those who sympathized with the Palestinians and their tragic fate had been convinced that it was somewhat the fault of the Palestinian and Arab leaders. That they had made all the wrong choices, that they should have accepted the partition of their land in 1948, that the majority of Palestinians left of their own accord, and that the Arabs were violent, sore losers, or that the Oslo Accords failed because of terrorism. We were told, not without condescension: "The Palestinians never missed an opportunity to miss an opportunity." And many believed it.


Western media and leaders had thus swept under the rug the colonial and racist aspect of a project whose open goal was to dispossess the weaker to install the stronger, with messianic or practical justifications, such as washing off the horrors of the Holocaust by offering a state to the Jewish people.


Certainly, not everyone believed it. For example, the (French) singer Renaud sang alone in the 1980s:

"Where is Palestine? Under which star-studded boot, behind which barbed wire, under what field of ruins? (...) How many victims? How many thousands of children in the ruins of refugee camps will become fighters?"

His words, yet so insightful, were inaudible before the clamor of the pro-Israeli narrative constantly revived by Western and anti-Arab biases, or since September 11, 2001, by rampant Islamophobia.


In 2024, eight months after the beginning of the war in Gaza, little remains of this story written by the winners to justify the unjustifiable. Already, the rejection of the two-state solution displayed by the Israeli right since the 1990s contrasted with the myth of the peaceful Zionist constantly threatened by hordes of bloodthirsty Arabs. Worse, the rampant colonization of occupied Palestinian lands has turned the West Bank into a string of bantustans surrounded by settlements. The fact that these illegal settlements are open to Jews worldwide but completely forbidden to non-Jewish natives is at least embarrassing for those who have always depicted Israel as an enlightened democracy. This apartheid regime has thus become a real cancer for Israel, so virulent that it can no longer get rid of it. The images of arrogant young settlers, often born in the West, coming to dispossess the Palestinians of what little they have left, have shocked the entire world.


Today, while Hamas is indeed an obscurantist movement that does not hesitate to commit war crimes and attack civilians, the whole world has also finally discovered that Netanyahu himself had openly strengthened this enemy to prevent the emergence of a Palestinian state. Then, a vengeful Israeli army massacred tens of thousands of civilians under tons of bombs in a genocide covered by all media, Israeli NGOs, and social networks. The IDF, which proclaimed itself the most moral army in the world, packed the displaced into camps and starved their children, openly hoping, as several Israeli ministers have explained, to get rid of the Palestinians in Gaza once and for all. Hospitals were burned, Western volunteers killed, universities dynamited, and schools and mosques destroyed. The regime that claimed to be a democracy has become a pariah just as fierce but way more powerful than Hamas.


When even from within Israel, media and NGOs denounce these war crimes, when Jews worldwide protest against this vengeance shouting "not in my name," when Western leaders are booed at every speech, one understands that the powerful pro-Israeli Western narrative has definitively fallen. Proof of this is seen in the camps at the best American universities, where the elites of tomorrow have adopted the long forgotten Palestinian cause. The International Court of Justice followed suit by issuing arrest warrants against Israeli leaders and those of Hamas, equating them for the horrors they commit.


In conclusion, and beyond this media rebalancing, what to do with this eternal Armageddon of the Middle East? There are never really any other lasting solutions than those based on justice and human rights. The right of Palestinians to live at home without roadblocks, dispossession, and occupation. The right of Israeli Jews to live in security but without being superior to non-Jews. Why should these rights be so deeply irreconcilable?