18.5.22

Mark, Najat, Ibrahim et tous les autres

 



Voilà le peuple a voté.

Enfin presque … je ne m’étendrai pas sur les incorrigibles qui sont restés chez eux prostrés inutilement dans leur amertume et leur fatalisme. Je parlerai plutôt du renouveau qui se profile enfin. Ce changement est timide dans certaines régions toujours minées par leurs peurs confessionnelles, mais il est  plus net dans d’autres districts qui ont courageusement saisi l’opportunité laïque, moderne et prometteuse qui se présentait à eux.


Regardez cette belle Montagne (Aley-Chouf), berceau de la naissance du Liban et de  son âge d’or puis symbole douloureux de sa désunion, c’est là où l’opposition laïque et moderne semble avoir remporté sa plus nette victoire. Et y voir des universitaires modernes qui mettent le Liban devant leurs confessions, rentrer au parlement  me remplit d’émotion et de joie. Avec deux femmes brillantes en plus, et un homme si convaincant comme Mark Daou qui a ébranlé le règne féodal, ce sont les visages tolérants et humains dont on rêve depuis toujours qui rentrent enfin au parlement. Et quand Beyrouth de ses deux flancs élit quatre députés laïcs dont deux femmes, c’est aussi beaucoup de fierté qui m’envahit.


Tous ces nouveaux députés élus parce qu’ils se réclament de la révolution du 17 octobre représentent un nouvel espoir immense. Ils auront la responsabilité de former un bloc uni et qui ne trahit pas ses convictions: la construction d’une république laïque, l’égalité entre hommes et femmes, la fraternité entre tous les Libanais, le combat contre la corruption et le refus de la compromission avec les partis traditionnels au pouvoir et les puissances étrangères. Être un faiseur de roi exigeant et pro-actif plutôt que se compromettre et s’étioler, tel est leur défi. 



Souhaitons leur courage force et détermination. Prions aussi pour leur sécurité, on sait les dangers qu’ils courent pour nous. Le plus grand des combats commence maintenant. Celui de construire un nouveau Liban. 

11.5.22

Élire un Nouveau Liban

 C’est le jour des élections à New York. À 6h30, je me présente avec mon certificat de délégué fait par Marc Daou, le candidat courageux de Aley qui, avec Najat Saliba dans le Chouf, ose défier l’ordre féodal de la Montagne avec un beau programme moderne, social et environnemental.

Ce matin, j’ai une certaine fierté à représenter ce que j’estime être le nouveau Liban, encerclé par une horde de délégués des partis confessionnels bruyants, forts de leur nombre et habillés en orange ou en rouge. Je suis l’intrus qui arbore la photo de Marc Daou sur mon téléphone en guise d’uniforme. Je ne suis pourtant ni druze ni de Aley, mais justement, c’est ça qui est d’autant plus motivant dans les nouveaux mouvements indépendants et issus de la révolution d’octobre. On est ensemble dans ce même bateau, celui d’un Liban qui essaye de se ressaisir, un Liban uni. Notre confession n’est plus qu’un code obsolète pour nous identifier dans des registres. Elle ne nous régit plus. Autre petit signe de notre modernité, notre application mobile qui permet de trouver les électeurs et décompter les voix est bien supérieure aux archaïques listes d’émargement des autres délégués. 






J’entends déjà certains maugréer et critiquer les listes du changement : certes, les nouveaux candidats ne sont pas parfaits ! Certains nous surprendront peut-être et d’autres nous décevront, mais ne valent-ils pas la peine qu’on leur donne une chance contre ceux qui ont détruit le pays à coups de guerres et d’incurie ? Est-il possible d’aimer le Liban et le livrer quand même à ses mêmes éternels bourreaux après tout ce qu’ils lui ont fait subir ? Les jeunes qui viennent voter nombreux à New York semblent être de mon avis. Des tapes sur mon épaule, des clins d’œil et des sourires à la vue de mon fond d’écran « thaouresque » m’encouragent.

Je profite d’une accalmie pour aller voter pour le changement dans le bureau voisin de Beyrouth I. Ici aussi, le fonctionnaire fait un travail remarquable pour empêcher toute interférence des partis traditionnels. Je plonge mon pouce dans cette encre violette et me réjouis. Rien ne changera du jour au lendemain, mais un nouveau Liban est vraiment en marche. Espérons que la population entière lui donne une chance dimanche prochain.


30.4.22

Votez bien!

 


Comment voter pour les élections au Liban? Entre les peurs que rien ne change, le fatalisme de l’électeur et la division décevante des listes d’opposition, on pourrait être tenté de désespérer et s’abstenir. Grave erreur! il faut au contraire absolument se rendre aux urnes pour ce scrutin fatidique. Et surtout voter utile pour sanctionner et déstabiliser les mafias qui gouvernent le pays et qui profitent de la faible participation, Nos partis traditionnels comptent sur votre abstention et  sur leur clientélisme pour rester au pouvoir en toute impunité. Disons enfin non à leur arrogance! 


 Seule difficulté, choisir, entre les multiples listes d’opposition, celles qui ont les meilleurs chances de percer. Sans aucun agenda et n’étant membre d’aucun parti, j’ai entrepris d’étudier les options et débroussailler la situation pour voter utilement. En l’absence de  sondages électoraux sérieux, voici mon humble opinion :


Commençons au Mont Liban :

Dans la circonscription du Chouf et d’Aley, les choses sont vraiment limpides: pourquoi n’iriez vous pas voter pour une femme courageuse  comme Najat Aoun Khattar, militante écologique, professeur d’université et fille d’agriculteurs de Damour? Alliée à d’autres hommes laïcs et prometteurs comme l’universitaire Marc Daou , sa liste Tawahadna Lil Taghyeer a les meilleures chances de percer si vous lui accordez votre confiance. Et pour quelle raison  lui préfériez vous un descendant féodal et ses alliés chrétiens qui le détestent et se rabibochent avec lui tous les quatre ans juste pour être réélus sans aucun programme ni réalisation à leur crédit?


Pour ce qui est de Baabda, on ne peut pas ignorer le sérieux et la pertinence de la campagne menée par Baabda Taghyir. Véritablement multi confessionnelle et laïque la liste s’impose par sa vision moderne et inclusive , Comment ne pas choisir un jeune homme si brillant, motivé et sincère comme Michel Helou à des listes insipides, issues de partis en place depuis plus de quarante ans et qui ont d’ailleurs détruit ce district à plusieurs reprises et de leurs propres armes? Voter pour Baabda Taghyir c’est voter contre cette maudite ligne de démarcation et contre la loi du plus fort, tel est l’enjeu de ce district névralgique, symbole de toutes nos désunions. 


Plus difficile de se prononcer au Metn et Kesrwan -Jbeil tant les listes sont nombreuses et infiltrées par les apparatchiks. La liste Sarkhet Watan de Neemat Frem au Kesrwan a l’avantage d’être forte mais on reproche au candidat d’avoir fait partie du pouvoir et d’être allié aux Kataëb. Au Metn, c’est la même confusion. Metn Taghyir est peut être un peu mieux placé mais allié aux Kataëb. De toute façon et de grâce, écartez les mafias et les noms de famille, les “fils de” et “petits-fils de” ou  « les gendres de » et choisissez du sang neuf. À défaut des listes ci-dessus qui ont une chance de percer, choisissez au moins les listes protestataires (Qadirin) de Charbel Nahas qui rrstent au moins totalement isolées du carcan féodal, des familles clientélistes et des anciens partis. 


Situation un peu meilleure dans la capitale: Dans chacune des deux  circonscriptions de Beyrouth, une liste solide et inclusive a réussi à unir beaucoup de gens  compétents et de bonne volonté qui se sont distingués dans leurs combats contre le pouvoir. Ces listes excluent les anciens partis confessionnels. Il s’agit de la liste LiWatani avec par exemple Paula Yacoubian et Ziad Abi Chaker à Beyrouth 1 et de Beirut ElTaghyir qui présente des gens sérieux et qui aiment leur pays comme Ibrahim Mneimneh et Melhem Khalaf à Beyrouth 2. Sans aucune hésitation, les Beyrouthins devraient voter utile et leur accorder leur confiance. Plutôt que céder au clientélisme des listes traditionnelles et au confessionalisme. Ce n’est pas parce qu’un candidat vous promet un job ou qu’un autre chante bien à la chorale le dimanche qu’ils sauveront notre ville et le pays du marasme économique et écologique. 



Dans le Sud, les listes Maan lil taghyir à Tyr-Zahrani et la liste unifiée Maan nahwa el taghyir à Nabatieh-Marjeyoun-Hasbaya s’imposent comme seules options sérieuses face aux partis traditionnels.  Une percée est possible si les gens osent se mobiliser contre le rouleau compresseur du Hezbollah et ses sbires. Des amis de la région m’ont confié que la colère contre le tandem gronde silencieusement dans ces districts et qu’une petite bonne surprise est possible surtout avec le véritable héros qu’est Ali Mourad. A Saida-Jezzine les choses sont malheureusement moins claires, je m’abstiens de donner un avis à part celui de sanctionner les partis traditionnels








Dans la Bekaa, les listes qui semblent le mieux placées sont Sahlouna wal Jabal (Bekaa Ouest-Rachaya) et Zahle tantafid (Zahle). À Baalbek, plus difficile d’y voir clair tant le paysage et éclaté. 


Dans le Nord, la liste Chamalouna paraît de loin la plus convaincante à Zgharta Koura Batroun et la liste Intafid.. Lil Seyada Lil Adalah à Tripoli évite les écueils nombreux des partis ou ex-partis  de pouvoir avec des candidats sympathiques comme Camille Mourani. À Akkar, Akkar Al Taghyeer semble être une option viable. 


En conclusion, surtout allez voter! Peu importe le mal qu’on vous raconte des candidats nouveaux ou leur manque d’expérience , rappelez vous où nos leaders traditionnels nous ont menés avec leur fausses promesses et leur politique de la peur sectaire. Le pays est à genoux, humilié,mais quand des amis de tous bords à Beyrouth et à l’étranger me disent qu’ils ont choisi les listes du changement, mon cœur tressaille d’espoir, une lueur infime mais présente malgré tout. Au dix neuvième siècle la lumière de la petite renaissance  levantine était bien née de ces rivages. A nous de la refaire jaillir ce mois de mai.


9.2.22

Le départ de Hariri : une chance.


Il y a deux façons de réagir au retrait de Saad Hariri de la vie politique.

La première, traditionnelle et débilitante, est bien sûr l’éternelle lecture confessionnelle: Y voir un « boycott sunnite » qui remettrait en cause la tenue ou légitimité des prochaines élections législatives. C’est la grave erreur que commettent souvent les médias et beaucoup de Libanais, celle qui consiste à accepter mécaniquement que certains accaparent la représentation d’une communauté, en dépit de toute logique. Ce n’est ni à Saad Hariri, ni au mufti, ni à l’ambassadeur saoudien et encore moins à un club autoproclamé d’anciens premiers ministres obsolètes de représenter ce qu’on appelle à tort la « rue Sunnite ».  Aucun n’a été élu directement ou exclusivement par cette communauté pour remplir ce rôle. A l’instar des zaïms des autres confessions, leur légitimité n’a pas plus de valeur que leur arrogance et leur attachement à la loi du plus fort, du plus riche ou du plus violent. 

La seconde lecture de ce départ Haririen, bien plus intéressante,  est d’y voir une opportunité. L’échec de Saad Hariri en politique est cuisant: Contrairement à son père qui -qu’on le veuille ou pas-  avait au moins une sorte de vision pour le Liban, Saad Hariri n’jamais eu aucune vraie conviction, peu d’options peut-être mais encore moins de flair ou de talent. Il a toujours été là comme par défaut et il n’a donc jamais su tenir le pays. Les chefs mafieux qui se délectaient jadis de la faiblesse de ce leader malgré lui, se désolent aujourd’hui de son départ. On leur souhaite tous, sans trop y croire, de vite lui emboîter le pas. 

Il est surtout urgent pour les partis issus de la Thawra de saisir cette opportunité pour présenter ensemble des candidats compétents, et remplir le vide que Hariri laisse avec ses alliés léthargiques. Trouver un programme socio-économique fort pour Tripoli, des idées d’avenir pour les Beyrouthins et un vrai projet de développement pour Saida, la Bekaa ou le Akkar… l’opportunité de remplacer la ploutocratie incompétente est bien là, devant vous. Saisissez-la vite avant qu’un nouveau mafieux ou usurpateur s’en empare et prétende représenter une communauté malgré elle.  Unissez-vous pour proposer des hommes et des femmes qui se mettent au service de toutes les « rues ». Vous êtes notre seul espoir.

17.11.21

Élections au Liban : quatre mois et trois urgences

Nous avons a priori une chance que des élections législatives se tiennent dans quatre mois au Liban.

La première urgence c’est de convaincre tout le monde d’aller voter. De grâce, arrêtons le fatalisme! Peu importent nos doutes sur l’intégrité du scrutin, qu’il y ait des morts qui votent, que des urnes soient bourrées ... Cela existe dans beaucoup de démocraties mais en réalité, c’est la participation qui compte vraiment. Plus les gens vont voter, moins la triche fonctionne bien. Plus les gens sont désabusés et restent chez eux, plus il est facile d’influencer les résultats avec des achats de voix ou autres manipulations dont nos zaïms sont des experts avertis. Votre cynisme fait le jeu de vos bourreaux depuis des décennies. Pour illustrer l’urgence de participer : En 2018 seulement 49 % des électeurs avaient voté au Liban et moins de 50 000 à l’étranger. Avec les résultats catastrophiques que l’on sait et un des leaderships politiques les plus incompétents de la planète. Après l’effondrement du pays, la faillite du système bancaire et l’explosion du 4 août, tous imputables à l’incurie de nos dirigeants, on peut espérer que bien plus de Libanais présents au Liban se déplaceront et rempliront leur devoir de citoyen en 2022. Et à l’étranger près de 200.000 Libanais de la diaspora se sont déjà inscrits ce qui représente près de 10% du corps électoral! Il y a un petit espoir. Saisissons le ensemble. 


La deuxième urgence peut-être encore plus importante c’est d’avoir des candidats d’avenir et des listes unifiées, une seule par circonscription. Cela veut dire qu’il est urgentissime pour les partis issus de la  révolution d’Octobre 2019 de créer une Union Sacrée derrière trois ou quatre leaders charismatiques et non sectaires qui ont une chance de faire rêver les Libanais. Et cela, au plus vite. Aucune élection ne peut être gagnée sans une dimension de rêve. Aucun siège de député ne peut être emporté face à la mafia au pouvoir sans un vrai projet crédible et positif. Rejeter la classe dirigeante est un bon début mais il ne suffira pas. il faut trouver et très rapidement un vrai programme et un slogan qui rassemble. Parler d’un Liban uni, tolérant, indépendant  et sans corruption ça serait déjà un début. 


La troisième urgence c’est d’exorciser les démons confessionnels que les mafias au pouvoir vont inévitablement réveiller. Pour cela, chaque Libanais doit faire un choix courageux. Refusez d’être manipulé par des zaïms confessionnels qui jouent sur la peur et la haine de l’autre pour rassembler leurs moutons. Rejetez la division à tout prix et n’oubliez jamais qu’elle nous a détruit, Rappelez aussi à nos patriarches, évêques et imams que leur rôle devrait être purement  spirituel et moral  (ils ont du pain sur la planche  d’ailleurs!), qu’ils cessent de se mêler, tous les vendredis et dimanches, de sujets politiques et qu’ils arrêtent leur collaboration indigne avec les partis au pouvoir. Pour vaincre les démons sectaires, mon humble conseil est aussi d’éviter au maximum tout parti confessionnel issu de la guerre civile et cela, même s’il s’en est  repenti. Composer avec eux nous affaiblit et désunit déjà et ne fait que réveiller le discours sectaire.


Quatre mois, trois urgences, Le Liban est à genoux. A nous tous de jouer.