22.3.19

Pensée pour Alain

C’était l’été 1982, celui de l’invasion israélienne du Liban, où parmi plusieurs familles beyroutines, nous avions déménagé dans une petite station balnéaire à une quarantaine de kilomètres, loin de la ville assiégée et des raids aériens.

Le petit appartement face à la mer censé nous accueillir en week-end devint un camp retranché pour ma famille où je passai,en enfant de 7 ans, un été remarquablement normal dans des circonstances hors du commun, en compagnie de ma soeur et mes cousins inséparables. Une autre famille d'amis habitait dans le même complexe, celle d’Alain. Même si mes souvenirs sont lointains et vagues  je me rappelle soudain aujourd’hui cette compétition de natation organisée dans la grande piscine de l’établissement. Alain, plus âgé que moi nageait très bien et gagna la médaille d’argent de sa catégorie suscitant notre admiration. Sa petite sœur participa aussi, ne gagna pas mais termina sa traversée courageusement malgré sa fatigue. Et le lendemain matin, ce fut elle qui portait la médaille d’Alain. Son grand frère la lui avait donnée par pure gentillesse et générosité. 

Ce matin à New York, j’ai appris avec tristesse la terrible nouvelle du tragique décès d’Alain. Et sur mon chemin du bureau en cette journée grise, ce lumineux souvenir vieux de plus de trente ans a resurgi dans ma mémoire, comme un clin d’œil, une petite consolation et un témoignage émouvant. Cet adolescent sportif et sympathique nous avait montré un exemple et des valeurs importantes cet été là: le don de soi, l’altruisme et l’importance de la famille. Même si je ne l’ai plus revu depuis des décennies, j’ai voulu lui rendre ce dernier hommage.


28.2.19

Pauvre Palestiniens

Pauvre cause palestinienne, la grande oubliée de l’actualité de ce siècle. Après l’assassinat de Yitzhak Rabin, la chute des accords d’Oslo, le retour de la violence, du terrorisme et la colonisation accélérée des territoires occupés, le monde a bel et bien tourné le dos à ce peuple apatride.

Le 11 Septembre 2001 est un tournant décisif qui a servi pour ses détracteurs à amalgamer cette cause avec le terrorisme islamique, phénomène amplifié par la montée du fondamentalisme, l’Etat Islamique et l’encombrant soutien Iranien si bien qu’il est presque devenu gênant de soutenir les Palestiniens publiquement et il n’est plus politiquement correct en Occident de critiquer les actions racistes et ségrégationnistes d’Israël.

Pour achever cet isolement, l’essor abject du fondamentalisme  islamique et de la haine antisémite rajoute une nouvel écran de fumée. Ces illuminés  qui croient défendre les droits des palestiniens salissent leur cause et la noient dans leur obscurantisme. La conséquence est que l’on vote désormais des lois aux États Unis pour interdire le boycott même pacifique d’Israel et la France réfléchit à pénaliser peut être la critique du sionisme désormais trop souvent teintée d’antisémitisme. Techniquement tous les mouvements même tenus par des Juifs qui critiquent  les actions d’Israël (comme Jewish Voice for Palestine) en pourraient se retrouver un jour coupables d’antisémitisme...

Entretemps, dopé par l’impunité que lui procurent ces amalgames et la complaisance américaine, le pouvoir israélien accélère la politique du fait accompli et l’encerclement des restes de territoires palestiniens par des colonies réservées aux Juifs au mépris de toute légalité. Des colons encouragés par le pouvoir et parfois armés ont tous les droits face à une population arabe sans défense, livrée aux barrages, aux pénuries de services, expulsions et humiliations. Avec un premier ministre au pouvoir depuis plus de dix ans et qui n’a aucune intention de l’abandonner, un gouvernement où le racisme n’est plus un tabou, l’interdiction du territoire israélien aux militants des droits de l’homme qui critiquent Israël et une politique d'apartheid décomplexé, il est loin le temps où la démocratie israélienne était un pseudo modèle dans la région.
Il faut bien sûr avouer qu’en face, la représentation palestinienne est calamiteuse avec une OLP faible et corrompue administrant (commodément) des bantoustans pour l’occupant en échange de quelques dollars ou shekels. Jérusalem et les autres villes de Cisjordanie sont vidées de leurs élites qui fuient ce ghetto géant. Gaza est livrée à ses démons, une prison à ciel ouvert que M. Netanyahu utilise épisodiquement comme "punching ball" en vue de garder le climat de peur nécessaire pour son maintien au pouvoir. Sa longevité à la tête du gouvernement et l’écrasement de du peuple palestinien passent avant les droits de l’homme, le principe d’humanité et même l’avenir à long terme d’Israël qui dépend pourtant d’une paix durable.


Alors que faire? Continuer à se parler, refuser le statu quo, combattre ceux qui nient l’existence d’Israël tout autant que ceux qui nient celle des Palestiniens. Refuser la tentation de démoniser l’autre et le complotisme. Dénoncer les relents antisémites. Étrangement mais positivement, le vrai clivage n’est plus celui d’Israël contre les Palestiniens. Il est plutôt entre ceux qui prônent le repli sur soi et la haine de l’autre d’une part et ceux qui croient que le vivre ensemble est la seule vraie solution. Il faut espérer que les nouvelles générations fassent mieux que nous. Tout un programme.

9.2.19

La démocratie vacille

La démocratie s'est installée ça et là en Occident depuis deux ou trois siècles. On la croyait invincible depuis la chute du Mur de Berlin. Et pourtant, elle n'en finit pas de vaciller.
Aux Etats-Unis par exemple, ces dernières semaines ont été marquées par deux phénomènes graves: le premier est le "shutdown" qui n'est autre qu'une manipulation d'un système démocratique (le vote des budgets par une chambre) à des fins autoritaires (faire passer en force un projet controversé). En liant artificiellement le paiement des salaires de simples fonctionnaires à la construction d'un mur, Donald Trump montre son manque de considération pour les institutions ou l'intérêt general, fondements mêmes des systèmes démocratiques. Même si Nancy Pelosi l'a vaincu sur son propre terrain en l'empêchant de faire son discours au parlement jusqu'à ce qu'il arrête son petit jeu, elle aussi peut être accusée d'avoir abusé de ses  prérogatives de speaker à des fins politiciennes.
Et pendant ce temps, un acteur noir et homosexuel, Jusse Smollett se fait tabasser dans la rue à Chicago par des attaquants racistes et homophobes. Une attaque de plus contre les valeurs américaines, dans un climat de division et de conspirationnisme. Un énième coup de canif dans la blessure américaine entre blancs et noirs qu'on pensait un moment en voie de guérison. On aurait presque pu voir un message surnaturel de tristesse céleste quand le lendemain de l'attaque, des températures arctiques frôlant les -50° s'installaient sur les bords du Lac Michigan obligeant la ville entière à fermer ses écoles et institutions.

En Europe, notre démocratie est tout aussi grippée, malade de ses populismes florissants. La Grande-Bretagne est prise de convulsions liées au Brexit et le prognostic du patient est incertain. L'Italie sombre dans un populisme nauséabond. La France où un Président progressiste et modéré a été élu il y a moins de deux ans est à son tour rattrapée par une vague de colère qui rejette les règles démocratiques et appelle à l'anarchie. On a même tenté d'incendier le domicile du president de l'Assemblée et on défend le droit de frapper des policiers...  Enfin, fait inédit depuis la deuxième guerre mondiale,  la France a rappelé son ambassadeur de Rome réagissant à une pluie d'insultes et de provocations. Les élections européennes qui arrivent bientôt verront s'affronter la modération et la démagogie, nouveaux rivaux de nos démocraties chancelantes.

Alors d'où viendra le salut? Est ce par le courage du Président  qui se met au chevet des citoyens pendant de longues heures de débat ? Est ce dans l'opposante démocrate futée et intrépide? Est ce par les femmes dont la vision a trop longtemps été éclipsée ? Ecoutera-t'on les voix des justes qui s'élèvent comme celle du Pape Francois contre les guerres ou celle de M. Macron contre la démagogie et pour l'Europe? Ou devrait-on compter plutôt sur nos nouvelles générations plus inclusives, soucieuses de l'avenir et ouvertes d'esprit? Une chose est sûre, notre démocratie est malade. Et l'Histoire a montré que les démocraties sont souvent de petites parenthèses éclairées mais fragiles et temporaires au milieu de longues périodes autoritaires et obscurantistes. Et si la démocratie vacille aujourd'hui, nous avons tous une responsabilité de la protéger.

1.1.19

Bonne année M. le Président

Cher Monsieur le Président

2018 s’achève sur la note amère de la crise des gilets jaunes et leurs chants de colère. Et tout cela magnifié par nos médias bien Franco-Français préférant toujours la sensation et la critique au pragmatisme ou à l’optimisme. La presse internationale en est d’ailleurs perplexe et s’interroge: comment un pays où l’aide sociale est si supérieure peut il en rester toujours  aussi insatisfait.

Par ailleurs, peu de présidents avant vous avaient pris tant à cœur la relance économique. Aucun n’avait eu l’ambition aussi claire de relever les classes ouvrière et moyenne d’un déclin inéluctable. Pas un seul n’avait attaqué les vrais sujets de long terme comme vous l’avez fait pour l’école, l’apprentissage ou les lois du travail. A l’heure où la révolution digitale décime des pans entiers de la vieille économie, alors que se creusent les inégalités et divisions dans toutes les démocraties occidentales, vous avez voulu rassembler la France et la protéger du populisme et du renfermement. Pour cela je vous suis infiniment reconnaissant.

Permettez moi donc de vous le dire: Ce qu’on vous reproche, c’est de dire la vérité et de ne pas promettre des rêves irréalisables. On vous insulte parce que vous avez le courage de donner les bonnes et les mauvaises nouvelles et traiter les Français comme des gens intelligents. À croire vraiment que ce peuple préfèrerait qu’on lui mente. Ce qui me sidère dans ceux qui vous critiquent abondamment, c’est l’absence totale de vrai programme ou d’agenda, si l’on exclut populisme, xénophobie ou anarchie. Je le dis parfois à ceux qui me trouvent trop “Pro-Macron”: quelle est donc l’alternative si évidente? Mélenchon? Le Pen ? Ou cette droite politicienne et insipide?

A l’heure où certains vous crachent dessus sans trop savoir pourquoi, moi j’ai envie de vous dire bravo, merci de tout ce que vous avez fait et surtout bon courage pour 2019. Continuez à réformer. Tenez bien le cap M. Le Président, la France et le monde ont besoin de vous.

9.9.18

Venise forever

Venise est de ces cités qui  de tout temps  inspirent et incitent à écrire.

Unica al mondo, me confirmait Gianmarco le chauffeur de taxi-bateau qui m’emmena de l’aéroport à l’hôtel. Il est un peu bourru, blond vénitien bien évidemment, à l’accent lourd et la fierté presque touchante. La seule fois où il vécut hors de Venise, ce fut trois mois à ... Ferrare qu’il trouva beaucoup trop bruyante (!) et où « l’eau lui manqua »...
Son grief contre les touristes - surtout les « nouveaux », dit il - c’est qu’ils ne respectent pas sa ville. L’un jette des mouchoirs dans le canal, l’autre réchauffe son repas au gaz sur la place Saint-Marc sans parler de cet homme qui s’installe en premier dans le bateau en laissant sa femme manquer de tomber à l’eau et sans que Gianmarco n’ait le droit de la tenir pour l’accueillir à bord pour des raisons « religieuses » ... 

Si Venise me semble toujours aussi sereine par son silence troublant à peine interrompu par le bruit des vaporettos, les nouvelles du monde nous parviennent mais se dissipent aussitôt. Donald Trump et la Maison Blanche au bord de la crise de nerfs, les catastrophes naturelles qui s’abattent sur le Japon et les désastres écologiques qui n’en finissent pas de secouer notre Terre en surchauffe, autant de tumultes qui semblent s’évanouir dans cette lagune impassible. Et Morella, notre élégante  guide vénitienne qui nous entraine dans des quartiers inconnus sans touristes qui nous comblent de surprises et
 nous font presque tout oublier. 

Ici, les gondoliers en marinières continuent leur besogne depuis de siècles. Dix-sept ans que je n’ai pas vu Venise et elle me semble totalement inchangée, comme si ses flots murmuraient: cette ville restera la même bien plus longtemps que ses hordes de visiteurs qui vieillissent.  

Quelques jours et moments précieux, un festival du cinéma et son tapis rouge, un cher ami Italien qui arrive et repart et le rêve vénitien se termine déjà comme un théâtre qui baisse ses rideaux de velours. Dans le cœur aucune tristesse, le bonheur d’être revenu et l’espoir d’y retourner.