14.5.11

La Syrie dans mon coeur

Allez une pensée pour la Syrie. Pour cette révolte déséspérée et ces villes suicidaires qui se soulèvent sans armes et qui défient la dictature héréditaire et sectaire la plus virulente qui soit.

Pensée nostalgique pour mon professeur d'histoire du Liban au Lycée Français de Beyrouth qui nous décrivait ce régime voisin en nous donnant des frissons: en Syrie, si vous êtes opposant, on ne vous arrête que rarement, on ne vous juge pas, on ne vous emprisonne pas, nous disait-il. Non. Généralement, un beau jour, vous disparaissez purement et simplement. On n'entend plus jamais parler de vous...

Souvenir noir de ces jours d'enfance passés à écouter, craindre et maudire ces obus syriens qui s'abattaient par centaines sur Beyrouth-Est où on osait défier Assad le père, le tyran de Damas. Pensée émue pour ces morts pour la plupart civils dans d'horribles attentats à la voiture piégée, marque de fabrique favorite des services de renseignement syriens. Et au delà du Liban, une pensée pour ce peuple qu'on écrase, qu'on emprisonne depuis des décennies dans le sous-développement et l'obscurantisme. J'ai dans la mémoire aujourd'hui le merveilleux souvenir des voyages dans cette Syrie méconnue, la surprise d'être accueilli par ces gens comme si j'étais de leur famille, loin des clichés hérités de la guerre, loin de l'antagonisme inventé par les despotes et les miliciens.

Que de victimes, que d'assassinats, que d'injustices commises par une famille sanguinaire qui accapare pouvoir et argent. Ces champions de la répression ont encore frappé, comme à Hama en 1982 où ils avaient rasé une ville entière sans pitié. Mais s'ils gagnent cette nouvelle manche à coup de canon, espérons que leur chute inéluctable n'en soit que plus brutale, qu'ils soient jugés un jour et que justice soit faite pour la Syrie.

4.5.11

Aucune chance

Les Britanniques se prononceront demain par référendum sur un éventuel changement du mode de scrutin. On leur propose de remplacer le scrutin majoritaire à un tour qui écarte les minoritaires et privilégie les deux grands partis par un système proportionnel. Rien de surprenant me diriez-vous, il est injuste que soit élu un candidat qui ne l'aurait jamais emporté s'il y avait un second tour.

Oui mais il y a un gros hic. Ou même plusieurs et je pense que cette réforme ne passera jamais. Le premier problème qui est de taille est le fait que la réforme ne propose pas un second tour mais un vote qui autorise un deuxième choix et donc une complexité inhabituelle outre-Manche. Dans un pays ou on chérit la clarté, la simplicité et le "straight to the point", cette complication a peu de chance de séduire une population peu politisée.

Le deuxième hic est le conservatisme légendaire et l'attachement fort aux traditions. En un peu plus de deux siècles, la France a connu cinq républiques, deux monarchies, deux empires, un Etat fasciste et de nombreuses constitutions alors que Le Royaume-Uni lui n'a pas changé de régime si ce n'est un lent renoncement au pouvoir des aristocrates au profit des roturiers sans textes, ni lois, ni révolutions... Baromètre de cet esprit sarcastique et conservateur, la BBC London a passé les deux derniers jours à se moquer de cette réforme, les journalistes insistant sur son côté incompréhensible. Dans un pays ou l'idéalisme est perçu comme frivole, on a toujours préféré un système simple et injuste à une utopie bien fondée mais confuse.

Enfin, la date du scrutin a été sacrément bien choisie pour minimiser les chances du projet. Est-le choix perfide des Conservateurs qui ont dû accepter ce référendum de mauvaise grâce à la demande des centristes? Tenter de changer le Royaume-Uni au lendemain de célébrations royales qui rendent tout Britannique fier de son passé est une vraie gageure.

Verdict demain!

2.5.11

Exit Ousama

Ben Laden n'est plus. Enfin tout du moins on l'espère. Je regrette pour ma part que son corps ne soit pas disponible pour me rassurer de ce décès et pour priver les fanatiques du triste personnage de leurs rêves de complot et de leurs faux-espoirs. Certes, une page noire se tourne dix ans après ce 11 septembre qui nous a précipités dans une ère de guerres et et surtout méfiance et hostilité entre les mondes occidentaux et arabo-musulmans. En revanche la nouvelle page qui s'ouvre n'est pas encore très claire. Le criminel est mort, pas les conflits qu'il a aidé à créer ou à perdurer.

Tout d'abord, où en est l'Iraq qui a payé le 11 septembre par une guerre injustifiée, fausses preuves à l'appui? On attend toujours qu'un regret soit exprimé à Londres ou a Washington, qu'un mot d'excuse soit prononcé pour ces centaines de milliers de morts, pour ces chaises vides aux dîners des familles meurtries, pour les enfants irakiens qui ont grandi sans père ou mère (pour reprendre presque mot pour mot le discours d'Obama qui parlait lui des victimes de Ground zero). Tout ce sang versé pour pourchasser des armes inexistantes et déboulonner un dictateur certes inique mais sûrement pas davantage que Bachar el Assad ou Kadhafi qu'on a courtisé. Et aussi, quid du bourbier afghan? Qu'y fait on encore dix ans après? Est-ce vraiment une guerre défensive? Qui protège-t-on au juste à Kaboul et ne courons-nous pas le risque de créer plus de taliban encore? Et enfin, qu'en est-il de la Palestine, la mère de tous les conflits arabo-occidentaux, la plus grande injustice financée par les Etats-Unis avec deux ou trois milliards de dollars annuels, la concupiscence et l'acceptation qu'un pays colonise les terres d'un autre sans l'ombre d'une réprobation? Les bonnes promesses de M. Obama au Caire ont vécu, laminés par l'intransigeance d'Israel et le manque de sympathie pour les victimes de ce conflit, le désintérêt terrible pour ces étrangers sur leur propre terre qu'on "judaïse" impunément, ces hommes sans droits, sans passeports, sans Etat.

Toutes ces plaies restent ouvertes et maintenant qu'Ousama n'est plus, il est temps que l'Occident travaille à les refermer. Pour éviter plus de haine et plus d'extrémisme et pour nous assurer une paix pérenne, meilleure qu'un plan vigipirate renforcé.

30.4.11

God save the Prince

Que penser du mariage royal?

Le positif d'abord avec l'admiration pour cette monarchie qui survit a toutes les vicissitudes, cette revanche d'une reine qu'on croyait définitivement affaiblie mais qui nous surprend par sa détermination et sa constance. Le jeune couple est beau: de quoi nous faire oublier les duchesses disgracieuses! on ne pouvait rever de mieux pour héritier du trone, un prince rayonnant, tout de rouge vetu et une jeune et belle Catherine qui devient en une heure la potentielle future reine. Tout faire rever les adolescentes et rassurer les fervents monarchistes.

Un peu d'étonnement quand on admire cette dynastie héritée d'un autre temps, blanche, anglicane et profondément réactionnaire mais qui continue a régner avec ses privilèges et son aristocratie hautaine sur un pays démocratique, cosmopolite, métissé et sur bien d'aspects plus progressiste que de nombreuses  républiques. Fascination des foules: on leur vend un peu de rêve dans les rues de Londres ce matin. Paradoxe de cette patrie du pragmatisme qui s'autorise cette frivolité royale que lui envient peut-être les ministères du tourisme des pays sans roi.

Antipathie enfin du Duc d'Edimbourg et de ce qu'il représente, suspicion sur la Reine elle-même qui n'a invité que des ex-premiers ministres conservateurs et pensée froide pour ces valeurs moins belles que défendent les Windsor, entre chasse a courre et autres privilèges désuets. Quand tout le monde entonne "God save the Queen", on ne peut que sourire de voir un mari chanter un hymne a sa propre épouse et un père de mariée trop heureux et ridiculement plus fervent que jamais. Ironie de cette monarchie qui valse avec les roturiers pour s'inventer un avenir.

28.4.11

Belle-ile-du-Mozambique

Vamizi est une ile perdue au large du Mozambique. Une plage blanche immaculée, à peine une dizaine de villas somptueuses à l’architecture coloniale et des fonds marins spectaculaires. Un cadre idyllique pour méditer sur ce monde qui bouge trop vite et qui fait peur et qui semble s’arrêter des qu’on embarque à bord d’un petit avion.

Une pensée pour ce village qui borde la piste de fortune ou un coucou se pose non sans un petit air de Saint-Exupéry, ou ni électricité, ni asphalte, ni eau potable ne sont arrivés. Et ses enfant souriants qui saluent le riche touriste venu du Nord. Une pensée pour l’écotourisme, si beau sur le papier, si dur a appliquer. Certes pas de climatisation, ni de télévision à Vamizi ni même de vitres aux fenêtres. Mais quid du dessalement et de l'eau chaude, quid du groupe électrogène qui ne s’arrête que cinq minutes par jour? Puis comme nous le disait Ryan, un sympathique Irlandais du Kenya, un de ces nombreux blancs d’Afrique, il ne faut pas développer l’ile trop vite au risque de voir sa population doubler en quelques mois et ravager l’environnement.

Une pensée pour Paulo, l’instructeur de plongée, il vient de Maputo mais il ressemble a Bob Marley et c’est un fou des profondeurs qui vous emmène dans des crevasses infestées de requins et me donne son détendeur pour rallonger ma plongée avant de lui-même manquer d’air. Une pensée pour ces tortues et ces innombrables poissons qu’on admire par 35 mètres de fond puis aussi ces fruits de mer qu’on savoure, pieds nus dans des diners aux chandelles d’exception.

Tout cela avant de plier bagage et subir le chic d’une escale d’horreur a Dar Es Salam dans un Hilton climatisé comme importé de Dubaï, immeuble sans âge tel un attentat architectural et une piscine bétonnée bercée par un orchestre soporifique. On rêve alors de cet espoir impossible que ces iles d’Afrique restent vierges, qu’elles ne cèdent pas aux tentations de la croissance et du profit, que leurs plages demeurent désertes pour les plus beaux bains de minuit.