10.8.20

Tournons la page du général

J’ai un aveu à vous faire. J’y avais aussi cru en 1989. Le général, avec sa guerre de libération, voulait sortir les loups étrangers et réunifier le pays. il nous avait fait rêver. Bon, j’étais encore un enfant avant d’être précipité sur la route de l’exil. Puis de voir tous mes rêves se fracasser en guerres interchrétiennes et instauration d’un protectorat Syrien jusqu’en 2005.


Plus de trente ans après, il y a quelque chose de profondément pathétique dans l’image de ce même général, vieux, fatigué, arrimé à son siège pour lequel il a tant lutté et auquel il n’a accédé, à bout de souffle, que par l’équation du populisme et des armes iraniennes. Je pense qu’il y avait franchement cru, sa popularité 

 et son âme de frondeur avaient  fini par le persuader à tort qu’il pouvait être un sauveur. Au point qu’il en a oublié qu’il fallait un programme pour gouverner ce pays si difficile. Une nouvelle idée. Et à peine installé sur ce trône de pacotille, toute la nation  s’est effondrée autour de lui. Il est désormais là, prostré avec ses supporters agrippés à ce siège branlant, un radeau de la méduse libanais. 


C’est que son manque de flair politique a en réalité toujours été stupéfiant. Il s’est depuis des décennies  égaré en insultes contre ses ennemis, engueulades avec les ambassadeurs et contradictions en tout genre. Il s’est vautré dans des querelles sanglantes et divisé les chrétiens du Liban. Ses discours maladroits -comme celui il y a quelques mois où il invitait les Libanais mécontents à partir!-, la nomination arrogante d’un beau-fils sans charisme, son manque de discernement sur l’équipe dont il s’est entouré, autant d’erreurs funestes qui ont accéléré son naufrage et celui du pays. Il ne suffit pas d’être une grande gueule en treillis troqué pour un costume cravate pour devenir un homme d’Etat et certainement pas quand le pays qu’il faut gérer est un casse-tête historique 


Ses prédécesseurs n’étaient pas de meilleurs gestionnaires, loin de là, ils sont tous coupables de cette débâcle. Je ne m’étends pas sur celui qui a éventré la montagne pour construire une autoroute  à son nom menant à son village. Parler des incapables pantins choisis et installés pour leur insipidité serait une perte de temps. Mais ils avaient eu la lâcheté de s’effacer, laisser d’autres tenir les rênes du pouvoir et enraciner la corruption comme nouvau système. Aujourd’hui le peuple les vomit tous. 


D’aucuns ont vu dans l’alliance du général avec le Hezbollah (la seule entente durable qu’il ait jamais réussi à faire de toute sa carrière politique)  une occasion pour les chrétiens d’être protégés par le puissant mouvement chiite pro Iranien, voire de l’influencer positivement. Mais cet accord a vite montré ses limites. Il n’avait comme base commune que le populisme et le rejet des vieilles familles politiques. Le général n’a ni réussi à « libaniser » son allié, bien au contraire, ni persuadé ses chefs  de se préoccuper de  l’intérêt du Liban. Ou créer un projet commun avec eux. Ils avouent eux mêmes être plus intéressés par le port de Haïfa en Israël que celui de Beyrouth, une gifle à tous leurs concitoyens qui ont tant souffert ces derniers jours. Et même pour ce Hezbollah, cette alliance avec le général ne leur aura servi qu’à s’acheter quelques années de plus dans leur statut intenable de milice religieuse surarmée faisant un doigt d’honneur iranien aux grandes puissances, aux dépens du bien être et de l’avenir de tout un peuple. 


Aujourd’hui, que les intentions du général eussent été bonnes ou pas n’est plus vraiment la question. Le vrai sujet est la relève, tourner la page, trouver des hommes ou des femmes providentiels qui puissent apporter un vent nouveau. Oui, il aurait peut être pu au moins essayer de  dissoudre le parlement avec l’accord du premier ministre dans un coup d’éclat salutaire mais il n’y a peut être même pas pensé. Espérons juste que nos amis Aounistes acceptent d’avancer plutôt que rester braqués sur la défaite cuisante de leur général adoré. Il devait constitutionnellement plier bagage dans deux ans de toute façon. Alors que l’avenir  du pays, lui, reste inconnu.

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