22.6.20

Orient ou Occident

On a longtemps et injustement reproché aux Libanais la fascination exercée sur eux par l’Occident.

Bien sûr, les croisades avaient été naturellement vécues comme une trahison où certains chrétiens auraient accueilli les chevaliers comme des sauveurs. Mais plus tard, quand Fakhreddine II, notre prince pourtant Druze osa nouer des alliances avec Florence pour apporter un peu de la Renaissance italienne à notre montagne, il fut vite destitué et envoyé mourir chez le Sultan. Plus récemment, on accusa le Liban indépendant des années cinquante et soixante d’avoir vendu son âme à l’Ouest de par son refus (pourtant assez pragmatique à y réfléchir deux fois) de participer aux guerres Israélo-Arabes et son économie ultra libérale. Ce pays alors prospère et libre, avec une démocratie certes imparfaite mais inégalée en Orient, n’était parfois vu qu’un reliquat du colonialisme, vilipendé par des nationalistes enflammés et des nostalgiques du califat. Avec l’implosion qu’on connaît.

Pourtant, cette ouverture sur l’Occident est bien naturelle pour notre pays dont la géographie, le climat et l’histoire s’approchent parfois davantage de la Grèce ou de l’Italie que de l’Arabie. Si ce n’était cette obsession maladive des religions, comment reprocher à ces levantins chrétiens ou musulmans d’ailleurs d’avoir voulu commercer avec un Occident prospère et  accessible par une mer qu’ils ont sillonnée depuis l’Antiquité. Et cela, plutôt qu’aller chercher des modèles de développement disparus depuis des lustres à leur orient? Si ce n’était  pas une histoire d’islam ou de christianisme, se serait on froissé en 1958 que le pays préférât se ranger du côté américain plutôt que celui soviétique? Ou que notre classe moyenne choisît le français ou l’anglais pour s’éduquer  plutôt que le persan? Que serait notre niveau d’éducation sans les missions du XIXème siècle et les universités occidentales? Pourquoi les élites ou ce qu’il en reste n’envoient elles pas leurs enfants étudier à l’Est?

Non, ne fais pas ici l’apologie du colonialisme occidental et je reconnais ses nombreux méfaits. Mais je veux remettre un tout petit peu les pendules à l’heure. Faire croire aux Libanais que la solution puisse venir de l’Est est un mensonge éhonté et une insulte à notre histoire. Prêter allégeance à une république islamique ou à une dictature ne nous mènera nulle part. L’état actuel du pays le prouve déjà . Et n’oublions pas que cet Est nous a parfois apporté ce qu’il y a de plus funeste. Enfant à Beyrouth dans les années 80, je me souviens encore des attentats terroristes et des prises d’otage, je me rappelle les civils séquestrés ou tués à Beyrouth sur un modèle importé de Téhéran sans parler des portraits hostiles d’ayatollahs qui tapissaient nos routes et nous faisaient frémir. Quand un de leurs sbires nous explique aujourd’hui qu’il nous faut regarder à l’Est, c’est un peu plus de notre civilisation qu’il piétine.

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