Au risque de vous paraître un peu futile, laissez moi vous raconter en ces temps de confinement mondial la jolie épopée de ma boîte de desserts de Pâques.
Je dis souvent que dans mon Levant natal, nous avons raté tant de virages, détruit nos pays, un à un, par nos gueguerrres communautaires, nous avons perdu la Palestine, oblitéré la Syrie et transformé une partie de notre beau Liban en forêt de béton et de corruption. Mais dans ce sombre tableau, nous avons au moins réussi une chose importante, c’est la cuisine. Et plus particulièrement aujourd’hui je vous parle des mamouls, ces merveilleuses pâtisseries fourrées de noix, pistaches, dattes ou amandes si difficiles à faire et dédiées à célébrer Pâques. Enfant à Beyrouth, j’adorais observer ma grand-mère avec ses trois filles et ma mère lancer ce gros chantier des maamouls pendant la semaine sainte. Chacune des femmes avait un rôle bien spécifique pour venir à bout de cette entreprise fastidieuse. Le résultat était comme une petite œuvre d’art, chaque pâtisserie était tout à tour, délicatement sculptée, minutieusement fourrée puis décorée comme une poterie avant d’être enfournée puis saupoudrée de sucre. Ces fruits délicats d’heures de travail et de détails étaient ensuite dévorés allègrement, en moins de trois secondes chacun, pour le plus grand bonheur de tous.
J’aimais surtout ce paradoxe que les maamouls, si chrétiens soient ils, pussent se trouver aussi en ville dans des pâtisseries renommées et notamment celles de nos quartiers musulmans, connues pour être les meilleures pour fabriquer ces délices pascals. Comme dans un pied de nez annuel aux nombreux fanatiques et sectaires qui ont détruit le pays et la région, mes parents et moi aimions que les meilleurs maamouls célébrant la fête chrétienne fussent parfois arrivés de Tripoli, cette ville du nord à majorité musulmane, presque intimidante pour nous en temps de guerre civile et de massacres intercommunautaires. Toujours surprenante, cette ville fut d’ailleurs plus récemment le théâtre d’une révolte séculaire contre le communautarisme sur des sons endiablés d’un DJ révolutionnaire digne d’Ibiza. Autant de stéréotypes et de stigmates mis à mal par une boite de maamouls ou des jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur.
C’est justement de cette ville de Tripoli qu’un site internet téméraire m’a proposé la semaine dernière des maamouls livrés mondialement dans une publicité Instagram, narguant le Covid et ses blocages. Et dans mon confinement New-yorkais, je ne pus résister à la tentation de commander par gourmandise et curiosité, avec assez peu d’espoir de voir ces boites arriver à bon port. En effet avec l’aéroport de Beyrouth fermé aux voyageurs, l’état des transports internationaux, la réputation sévère des douanes américaines, le périple de ces boites s’avérait long et tumultueux, une odyssée que je pus suivre non sans excitation sur mon écran d’ordinateur; les boites partirent de Tripoli le jour même de ma commande et arrivèrent donc à l’aéroport de Beyrouth jeudi soir. Le lendemain elles embarquèrent pour .... Bahreïn pour transiter vers... Bruxelles. D’où elles repartirent dimanche pour les États Unis. Pas le meilleur bilan carbone, je vous le concède! Elles atterrirent hier à Cincinnati où elles passèrent vaillamment la douane. Je tremblai à l’idée de voir ces boites vertes ornées d’inscriptions arabes provoquer la suspicion, être ouvertes ou saccagées, finir compostées dans une poubelle de l’Ohio ou, moins tristement, chez un douanier gourmand. Et non! Ce matin, DHL m’a informé qu’elles ont atterri à New York. Et cet après midi elles sont bien là chez moi à Manhattan en à peine cinq jours!
Miracle d’un dessert proustien d’Orient, fabriqué par les musulmans pour les chrétiens et traversant la planète au temps du Coronavirus! Joyeuses Pâques à tous et un grand merci à Hallab.com.lb et à mon bien sympathique livreur masqué DHL.
https://www.hallab.com.lb/international/
Je dis souvent que dans mon Levant natal, nous avons raté tant de virages, détruit nos pays, un à un, par nos gueguerrres communautaires, nous avons perdu la Palestine, oblitéré la Syrie et transformé une partie de notre beau Liban en forêt de béton et de corruption. Mais dans ce sombre tableau, nous avons au moins réussi une chose importante, c’est la cuisine. Et plus particulièrement aujourd’hui je vous parle des mamouls, ces merveilleuses pâtisseries fourrées de noix, pistaches, dattes ou amandes si difficiles à faire et dédiées à célébrer Pâques. Enfant à Beyrouth, j’adorais observer ma grand-mère avec ses trois filles et ma mère lancer ce gros chantier des maamouls pendant la semaine sainte. Chacune des femmes avait un rôle bien spécifique pour venir à bout de cette entreprise fastidieuse. Le résultat était comme une petite œuvre d’art, chaque pâtisserie était tout à tour, délicatement sculptée, minutieusement fourrée puis décorée comme une poterie avant d’être enfournée puis saupoudrée de sucre. Ces fruits délicats d’heures de travail et de détails étaient ensuite dévorés allègrement, en moins de trois secondes chacun, pour le plus grand bonheur de tous.
J’aimais surtout ce paradoxe que les maamouls, si chrétiens soient ils, pussent se trouver aussi en ville dans des pâtisseries renommées et notamment celles de nos quartiers musulmans, connues pour être les meilleures pour fabriquer ces délices pascals. Comme dans un pied de nez annuel aux nombreux fanatiques et sectaires qui ont détruit le pays et la région, mes parents et moi aimions que les meilleurs maamouls célébrant la fête chrétienne fussent parfois arrivés de Tripoli, cette ville du nord à majorité musulmane, presque intimidante pour nous en temps de guerre civile et de massacres intercommunautaires. Toujours surprenante, cette ville fut d’ailleurs plus récemment le théâtre d’une révolte séculaire contre le communautarisme sur des sons endiablés d’un DJ révolutionnaire digne d’Ibiza. Autant de stéréotypes et de stigmates mis à mal par une boite de maamouls ou des jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur.
C’est justement de cette ville de Tripoli qu’un site internet téméraire m’a proposé la semaine dernière des maamouls livrés mondialement dans une publicité Instagram, narguant le Covid et ses blocages. Et dans mon confinement New-yorkais, je ne pus résister à la tentation de commander par gourmandise et curiosité, avec assez peu d’espoir de voir ces boites arriver à bon port. En effet avec l’aéroport de Beyrouth fermé aux voyageurs, l’état des transports internationaux, la réputation sévère des douanes américaines, le périple de ces boites s’avérait long et tumultueux, une odyssée que je pus suivre non sans excitation sur mon écran d’ordinateur; les boites partirent de Tripoli le jour même de ma commande et arrivèrent donc à l’aéroport de Beyrouth jeudi soir. Le lendemain elles embarquèrent pour .... Bahreïn pour transiter vers... Bruxelles. D’où elles repartirent dimanche pour les États Unis. Pas le meilleur bilan carbone, je vous le concède! Elles atterrirent hier à Cincinnati où elles passèrent vaillamment la douane. Je tremblai à l’idée de voir ces boites vertes ornées d’inscriptions arabes provoquer la suspicion, être ouvertes ou saccagées, finir compostées dans une poubelle de l’Ohio ou, moins tristement, chez un douanier gourmand. Et non! Ce matin, DHL m’a informé qu’elles ont atterri à New York. Et cet après midi elles sont bien là chez moi à Manhattan en à peine cinq jours!
Miracle d’un dessert proustien d’Orient, fabriqué par les musulmans pour les chrétiens et traversant la planète au temps du Coronavirus! Joyeuses Pâques à tous et un grand merci à Hallab.com.lb et à mon bien sympathique livreur masqué DHL.
https://www.hallab.com.lb/international/
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