Tante Aida
Ma tante était une femme d’une grande bonté. Sa gentillesse exceptionnelle s’étendait à tous, petits, grands, proches mais aussi les étrangers et nouveaux venus. Même les aide-soignantes arrivées à son chevet les derniers mois avant son départ l’adoraient et la gâtaient. C’est que sa générosité, l’auto dérision qu’elle maniait avec aisance et son sens de l’humour pétillant nous charmaient tous. Le vide qu’elle laisse aujourd’hui dans nos cœurs en est d’autant plus béant.
Il y avait chez elle cette petite touche d’originalité et d’impertinence si rafraîchissante. Elle se moquait gentiment des conventions et du qu’en dira-t-on, chose bien rare dans nos familles Beyrouthines. Elle était aussi créative et inspirée. Je me rappelle encore ce moment où elle décida avec ses sœurs et proches de fonder une marque du chocolat. Ou son habileté inégalée quand elle ciselait méticuleusement les gourmandises levantines, sambouseks, kebbés et maamouls magnifiques!, avec la patience et l’art de bien faire les choses et surtout, de faire plaisir.
Je me rappelle aujourd’hui cet été chez elle à la montagne où ma sœur et moi passèrent de si bons moments avec nos cousins. Des images défilent avec son insistance légendaire à nous combler d’attentions, de jus de fruits ou de douceurs. Elle nous réprimandait à peine et savait plutôt comment nous faire regretter nos écarts, sans jamais en faire un drame. Je repense à son sourire si désarmant, et cela jusqu’aux derniers jours, quand elle me voyait rentrer de voyage où qu’elle essayait de me battre encore à la « Bassra ». Je me console enfin en me disant qu’elle a peut être retrouvé son époux, mon cher parrain, et qu’ils veillent sur nous de la-bas avec la même tendre et constante bienveillance dont ils nous ont comblés toute notre enfance.
Adieu chère tante Aida, je suis bien triste de ne pas être là pour t’embrasser une dernière fois dans cette belle église qui nous a vus grandir. Je sais que ton image restera à jamais intacte dans nos cœurs.