Ah Beyrouth tu es vraiment incorrigible...
Tu avais une chance de te refaire et tu ne l'as pas saisie... Tu as tourné le dos à l'espoir intense de voir des gens intelligents et philanthropes oser s'aventurer dans ton paysage politique débilitant.
Telle une fille de mauvaise vie qui se plaint de son quotidien, rêve d'échapper à ses proxénètes tout en sombrant chaque jour un peu plus dans sa déchéance, tu as préféré succomber à tes démons habituels: le clientélisme, l'argent, la fascination ou la peur des caïds. Ton pire ennemi, c'est ton cynisme teinté de paresse, cet air blasé de ceux qui n'y croient jamais; tels des drogués sans volonté, ils sortent à peine d'une cure de désintoxication pour se rendre aussitôt chez leur dealer.
Ce matin j'ai d'abord envie de dire un grand merci à ces gens courageux qui ont osé un moment te réveiller. Pour une fois, je me suis reconnu en leurs mots, j'ai rêvé que les choses puissent changer, j'ai prié pour qu'ils triomphent et te sauvent. Et j'espère qu'ils continueront leur combat. J'aime cette cinéaste brillante qui -je m'en souviens- fut une des rares après la guerre à travailler sur notre devoir de mémoire. Quelle victoire eût-ce été de la voir gérer notre ville! Les hommes ont échoué, la rédemption viendra telle des Libanaises? J'aime aussi cet Ibrahim et je ne sais même pas quelle est sa religion ou sa communauté, et ça aussi c'est un miracle au Liban. Parfois je rêve que nous ayons tous été appelés de ces prénoms laïcs, Karim, Fady ou Ibrahim et qu'on ne puisse pas savoir nos religions. Et puis mon Marwan qui est la bonté, l'humour, l'ouverture d'esprit et la philanthropie réunies. Et les autres que je ne connais pas mais que j'ai tant voulus voir gagner. Merci d'avoir tenté l'impossible. Goliath a tremblé un moment en vous voyant surgir.
Et puis pour ma part, natif de Beyrouth, enregistré à Beyrouth, moi qui aurais sans doute pu voter si j'étais là, je vous demande pardon de ne pas avoir pris un vol de New York et déposé un bulletin... et je ressens ce matin, un peu plus que d'habitude, le goût amer de mon lointain exil.