4.9.25

Émissaires et Miseres


 Alors que le Liban pensait enfin se ressaisir avec l’arrivée au pouvoir d’un président de la république et d’un premier ministre éclairés et réformateurs , et que nous rêvions tous d’un retour de l’Etat et de la souveraineté, la dernière semaine de débâcle diplomatique nous prouve que nous avons  péché par excès d’optimisme.


La forme et le fond de la réponse américaine aux efforts du gouvernement pour désarmer le Hezbollah et restaurer la souveraineté de l’État ressemblent à une gifle retentissante. En ce qui concerne le fond, tout Libanais sceptique ou opposé au désarmement a désormais la preuve qu’il n’y a aucun engagement de la part des États-Unis à contraindre Israël de se retirer des enclaves encore occupées dans le sud et cesser ses agressions. Pour mettre davantage d’eau au moulin du Hezbollah, la forme adoptée par l’émissaire américain avec nos journalistes est réminiscente de celle d’un commissaire colonial condescendant et méprisant.


À l’heure où l’allié inconditionnel des États-Unis continue impunément, son massacre à Gaza, nous donner des leçons sur  l’animalité ou la civilisation paraît pour le moins consternant. De plus, incapable de s’excuser clairement après son dérapage, M. Barrack nous a au contraire comblé de son arrogance et son complexe de supériorité. 


Pour ceux qui naïvement, croyaient à l’avènement d’une nouvelle ère de prospérité, à l’abri des puissances belliqueuses qui nous entourent, il est clair que la nouvelle donne relève plus d’une tutelle coloniale pro-israélienne après celle des mollahs. Notre pays faible car désuni semble condamné à la misère d’être un vassal pour des tyrans. Il ne nous reste qu’à souhaiter à nos dirigeants le courage et la perspicacité de dégager le Liban de cette nouvelle impasse périlleuse. Et que ces épreuves nous réunissent autour d’eux au lieu de nous déchirer. 

12.6.25

Un électrochoc pour le Liban ?

 


Les urnes ont parlé. La nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques issus de la révolution d’Octobre 2019 à perdu les élections municipales. Se positionner contre les partis sectaires traditionnels sans projet clair ne suffit plus Surtout quand le pays est divisé entre le Hezbollah et ses opposants et que les peurs confessionnelles ont gagné du terrain.


Même s’ils gardent mon soutien,  j’ai reproché aux acteurs de la contestation leur manque de vision et d’unité. Leurs egos et querelles ont pris trop de place dans leur exercice de la vie politique alors qu’ils auraient dû placer l’intérêt général bien avant leurs désaccords souvent mineurs. Espérons qu’il définissent vite une feuille de route pour les élections de 2026 avec de vraies idées et des listes unifiées.


Justement, et pour guérir le Liban de ses divisions sectaires, il faudrait peut être  un traitement de choc. À l’heure où la communauté chiite pense que le désarmement du Hezbollah la marginalisera, à l’heure où les chrétiens se crispent et ont plus que jamais peur de disparaître, pourquoi ne pas crever l’abcès et proposer un projet de réforme du Pacte National instaurant la rotation des trois sièges présidentiels entre les trois principales  communautés. Tous les six ans le président serait à tour de rôle soit maronite, soit sunnite soit chiite. Même chose pour le premier ministre et le président du parlement pour assurer un équilibre. 


Joseph Aoun et Nawaf Salam ont encore la légitimité de proposer un tel électrochoc pour nous débarrasser des armes du Hezbollah et emmener le pays vers un futur moins divisé,  plus serein et prospère. Quand le régime sanguinaire israélien et l’obscurantisme iranien continuent à sévir et profiter de nos dissensions, quand le monde entier traverse une crise profonde et les guerres s’éternisent autour de nous, il est urgent de prendre notre destin en main et innover pour ne pas mourir.


3.5.25

Terrifiante Tyrannie


 Une nouvelle page de l’Histoire s’écrit sous nos yeux à une vitesse sidérante. De retour au pouvoir depuis trois mois,  un Néron fait trembler l’Empire et ses partenaires.


Indépendamment de la justesse économique doutable de ses instincts, il a surtout terni l’image déjà dégradée de la puissance américaine par son outrance inédite. Plus grave encore, la plus vieille république démocratique du monde moderne prend des allures de tyrannie. Il fait arrêter des gens au mépris de la Constitution, il a rétabli la loi du plus fort et du plus riche, il a encouragé l’épuration ethnique des Palestiniens et a même déjà parlé de briguer un troisième mandat. Ses projets rocambolesques resteront comme des stigmates dans l’Histoire  du monde. Alors qu’il promettait la prospérité à ses fans bien crédules, il manipule les cours de bourse et enrichit ses amis. 


Je pense aujourd’hui à ceux qui prennent la démocratie pour argent comptant. Qui critiquent le système et refusent parfois de voter. Que ce marasme puisse leur apprendre à quel point  

 une république peut être  fragile. Et à quelle vitesse  tout peut basculer.  Dans les pays où ils hésiteront encore à aller aux urnes, qu’ils se rappellent ce  terrifiant début 2025. 


Et dans notre Liban qui lèche encore les plaies de sa dernière guerre inutile, dans ce pays martyre qui se rappelle aujourd’hui les 50 ans de la guerre civile qui la précipité dans le déclin, puissent les âmes de bonne volonté se remettre au travail ensemble, loin des tyrannies qui se divisent le monde. 


15.3.25

Ploutocrates, Anti-Système et Modérés, trois blocs qui divisent le monde.


Avec l’intronisation fracassante  de Donald Trump auxEtats Unis, une nouvelle division du monde en trois blocs distincts semble se dessiner 


Le premier bloc qui ne fait que gagner du pouvoir est celui de la ploutocratie néofasciste et impérialiste. C’est l’alliance des milliardaires qui rêvent d’ultra capitalisme même si leur programme fait chavirer l’ordre international . Derrière Donald Trump, et Elon Musk, on y retrouve de nombreux oligarques et pétro-monarques , et  de grands patrons réactionnaires qui dans l’ombre des frasques de Trump acquiescent plus ou moins discrètement. Comme Vincent Bolloré en France dont les médias sont soudainement devenus pro-Poutine ou les dirigeants de Walmart ou Target qui ont hâtivement abandonné tout engagement de leurs entreprises en faveur de la diversité.  Ce bloc accueille les fascistes et ultranationalistes de la planète avec un Netanyahu raciste et islamophobe qui an mis sa région à feu et à sang  ou un Poutine qui a dévasté toutes les Russies. 


A l’opposé , un bloc des anti-système qui veulent tout faire sauter a redoublé de virulence. C’est l’alliance des anarchistes ou ultra wokistes et des extrémistes de tout bord qui honnissent les grandes puissances et les classes dirigeantes. De l’ayatollah iranien et des fanatiques  amoureux du martyre en passant par des gauches populistes radicalisées, le spectre est large mais l’outrance est sans limites. Ce bloc anti-système a perdu quelques pions mais il séduit dangereusement les classes ouvrières qui sombrent dans la pauvreté et il gangrène une certaine jeunesse exaltée, déboussolée et qui peine à s’affranchir des réseaux sociaux et des biais de confirmation qu’ils engendrent. Luigi Magione, populaire jeune assassin d’un patron de wall street en est un triste exemple. 


En troisième, arrive le bloc des modérés humanistes, ni fascistes ni wokistes,  attachés à une certaine vision idéalisée du monde où la collaboration et le respect peuvent vaincre l’impérialisme et l’obscurantisme. Victime d’un manque cruel de leadership, ce bloc qui croit encore à l’ONU, ou au développement durable, est affaibli, Il essuie les plâtres de l’affaissement des classes moyennes et du creusement des inégalités, et il recule face aux dictateurs populistes des deux premiers blocs. 


Les trois blocs sont représentés au Moyen Orient.  Au Liban, et contre toute attente, le troisième bloc de modérés a réussi à prendre le dessus avec un Président et un Premier Ministre inclusifs et éclairés. Mais ils sont déjà pris en étau entre l’impérialisme americano-israélien et l’extrémisme religieux pro-iranien qui s’y oppose. Leur marge de manœuvre est donc très serrée. Simultanément, en  Syrie, Ahmad el Chareh semble vouloir rentrer son pays dans le bloc de la raison et de la tempérance après des années d’anarchie. Mais les dangers venus de l’islamisme dont il est lui même issu le pourchassent, sans compter Israël qui grignote son territoire en toute impunité avec le feu vert américain. 


Enfin et sur une note moins défaitiste, les ploutocrates commencent à payer le prix de leur arrogance avec de sérieux revers boursiers aux Etats -Unis. Alors que le Congrès est muselé, la Justice paralysée et les médias dénigrés, serait-ce donc l’ultime contre-pouvoir que représente le S&P 500 qui fera enfin reculer Trump? 

6.3.25

Entre baisers et soufflets





Between kisses and slaps 

(Scroll down for English )

Après des mois de violence, c’est cette fois un baiser de Gaza qui a créé la controverse. L’otage israélien Omer Shem Tov, âgé de 22 ans, a pris tout le monde par surprise en embrassant deux combattants du Hamas sur le front lors de sa libération.


Si le gouvernement israélien d’extrême droite a  vite vu  dans ce baiser un geste forcé et une forme d’humiliation, la vidéo ne montrait aucun signe visible de coercition et Omer, avec son grand sourire n’avait pas l’air particulièrement contrarié. Quoi qu’il en soit, et loin de toute admiration pour les mises en scène macabres du Hamas, plus intéressante était pour moi la réaction des parents de l’otage. Son père décrit Omer comme «l’esprit le plus positif du monde » et sa mère dit : « C’est Omer… Il s’entend avec tout le monde, même avec le Hamas… Ils l’aiment même là-bas. »  En regardant ces nouvelles insolites, je me suis un peu dit que  avons besoin de plus d’Omer et de plus de baisers dans cette région, retrouver l’humanité dans l’ennemi plutôt que le détester, tendre la main malgré les horreurs, les blessures et les rancunes.

Justement, de ce côté de l’océan, un Israélien et un Palestinien ont remporté ensemble un Oscar et envoyé le plus beau message de paix à la planète. Quel courage de dénoncer l’occupation et la politique américaine qui ruine les chances de paix. Moins chanceux, M. Zelensky était lui reparti de la Maison Blanche sans baisers ni accolades, humilié publiquement par le duo ploutocrate qui gouverne l’Amérique. Cette gifle diplomatique  où les États Unis tournent brutalement le dos à leur allié  (après l’avoir longtemps encouragé à guerroyer contre les Russes) a stupéfié la planète mais elle peut aussi nous servir de leçon.


Elle devrait notamment tempérer les ardeurs pro américaines de certains Libanais qui rêvent de troquer le diktat de Téhéran  par une tutelle américaine, voire une paix hâtive avec Israël. Quand comprendront-ils enfin que le Liban ne peut être un dominion Occidental en terre d’Orient? Son rôle est d’être un pont entre les civilisations et non pas une girouette! Recouvrer notre souveraineté et nous débarrasser des milices peut et doit se faire  sans tourner le dos à notre appartenance levantine. Les Libanais qui ont dit adieu à Hassan Nasrallah dans la tristesse, l’indifférence où le soulagement sauront-ils enfin tourner la page des divisions venues d’ailleurs et choisir une voie commune et salutaire ?  


In English 

Between Kisses and Slaps,


After months of violence, this time it was a kiss from Gaza that created controversy. Israeli hostage Omer Shem Tov, 22, took everyone by surprise by kissing two Hamas fighters on the front lines upon his release.


While the far-right Israeli government quickly saw this kiss as a forced gesture and a form of humiliation, the video showed no visible signs of coercion and Omer, with his big smile, did not seem particularly upset. In any case, and far from any admiration for Hamas’ macabre stagings, more interesting for me was the reaction of the hostage’s parents. His father described Omer as “the most positive spirit in the world” and his mother said: “That’s Omer… He gets along with everyone, even Hamas… They even love him there.” » Looking at this unusual news, I thought to myself that we might need more Omer and more kisses in this region, to find humanity in the enemy rather than hate them, to reach out despite the horrors, the wounds and the grudges.


Precisely, on this side of the ocean, an Israeli and a Palestinian won an Oscar together and sent the most beautiful message of peace to the planet. What courage to denounce the occupation and the American policy that ruins the chances of peace. Less fortunate, Mr. Zelensky left the White House without kisses or hugs, publicly humiliated by the plutocratic duo that governs America. This diplomatic slap in the face where the United States brutally turns its back on its ally (after having long encouraged it to wage war against the Russians) has stunned the planet but it can also serve as a lesson to us.


It should notably temper the pro-American ardor of some Lebanese who dream of swapping Tehran’s diktat for American tutelage, or even a hasty peace with Israel. When will they finally understand that Lebanon cannot just be a Western dominion in the land of the Orient? Its role is to be a bridge between civilizations and not a weather vane! Regaining our sovereignty and getting rid of the militias can and must be done without turning our backs on our Levantine affiliation. Will the Lebanese who said goodbye to Hassan Nasrallah in sadness, indifference or relief finally know how to turn the page on the divisions coming from overseas and choose a common and salutary path?