8.12.24

Syrie Libre? Free Syria?


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On avait fini par croire les Assad invincibles, inamovibles, arrimés au pouvoir comme une pieuvre depuis tant de décennies. Leur régime implacable fait de terreur, d’emprisonnements, d’assassinats d’opposants et de voitures piégées était une lourde chape de plomb qui a asservi la Syrie et même le Liban pendant tant d’années. Serait ce aujourd’hui la fin de ce cauchemar ? 


On n’ose y croire mais on le souhaite de tout cœur à nos frères Syriens qui en ont tant souffert. On retient son souffle pour ce si beau pays qu’on avait parfois pris en grippe justement  à cause de son régime et pour ce peuple martyrisé qui nous ressemble tant et qui parle la même langue que nous. Cette Syrie qu’on aime encore  malgré tout, ses villes magnifiques et sa culture millénaire,  seraient elles enfin libérées de leurs bourreaux? 


La route sera bien sûr très longue pour réinventer une nouvelle Syrie. Il faudra à nos voisins la chance de trouver des leaders providentiels, des chefs éclairés qui puissent changer leur destin. On n’ose plus y croire tant l’obscurantisme a pris en otage le Levant tout entier, mais on n’a pas non plus le droit de ne pas l’espérer. Notre région a tout à gagner d’une Syrie réconciliée avec elle même et prospère. il reste à savoir si l’Histoire nous donnera enfin ce qu’elle nous a longtemps refusé.


IN ENGLISH 


Free Syria?


We had started to believe  that the Assads were invincible, immovable, tied to power like an octopus for so many decades. Their implacable regime of terror, imprisonment, assassinations of opponents and car bombs was a heavy  weight that enslaved Syria and even Lebanon for so many years. Could today be the end of this nightmare?


We dare not believe it but we wish it with all our hearts for our Syrian brothers who have suffered so much from this tyranny . We hold our breath for this beautiful country that we had sometimes started disliking  precisely because of its regime and for this martyred people who resemble us so much and who speak the same language as us. This Syria that we still love despite everything, its magnificent cities and its thousand-year-old culture, would they finally be freed from their executioners?


The road will of course be very long to reinvent a new Syria. Our neighbors will need the luck to find providential leaders, enlightened ones who can change their destiny. We no longer dare to believe it, so much has obscurantism taken the entire Levant hostage, but we nonetheless must not stop hoping. Our region has everything to gain from a Syria reconciled with itself and prosperous. It remains to be seen whether History will finally give us what it has long denied us.

28.11.24

Neige et trêve / Snow and truce (scroll down for English)



Une première couche de neige a recouvert cette semaine les sommets du Mont-Liban. Elle est  peut être arrivée comme un bon présage de la trêve qui commence et de l’arrêt des bombardements israéliens.

 

La neige a cela de beau qu’elle cache de son manteau blanc tous les dégâts, les imperfections et les blessures de ce pays. Notre diva nationale Fairuz l’avait chanté : « qu’il neige ou qu’il fasse beau je t’aime Liban jusqu’à l’infini » . 


Toutefois,  on espère que cette nouvelle trêve soit un peu plus pérenne qu’une petite neige précoce. On voudrait une vraie occasion de guérir nos plaies plutôt que les panser. On rêve que l’armée libanaise soit réellement la seule qui contrôle notre sud, que le Hezbollah et les milices variées qui utilisent ce territoire à leur guise pour se battre avec Israël cessent de violer notre souveraineté. Et que la violence israélienne contre notre sud  martyre depuis  plus de cinquante ans puisse enfin cesser. 


Pour que tout cela soit envisageable, la seule solution  est que nos institutions fonctionnent à nouveau et que le Hezbollah accepte de rejoindre le giron de l’Etat et lui rendre ses armes. Que nous élisions enfin un président rassembleur et que nous formions un gouvernement. Parviendrons nous un jour à unir ce pays blessé ? Quand notre neige fondra, l’espoir est qu’elle fasse place à des fleurs plutôt qu’à de nouvelles bombes. 


Snow and truce


A first layer of snow covered the peaks of Mount Lebanon this week. It may have arrived as a good omen of the truce that is beginning and the end of Israeli bombings.


The beauty of snow is that it hides with its white coat all the damage, imperfections and wounds in this country. Our national diva Fairuz sang it: "whether it snows or shines I love you Lebanon until the world ends ". 


However, we hope that this new truce will be a little more lasting than an early snow. We would like a real opportunity to heal our wounds rather than bandage them. We dream that the Lebanese army will really be the only one that controls our south, that Hezbollah and the various militias that use this territory at will to fight with Israel will stop violating our sovereignty. And that the Israeli violence against our martyred south for more than fifty years can finally end.


For all this to be possible, the only solution is for our institutions to function again and for Hezbollah to agree to join the state and surrender its weapons. For us to finally elect a unifying president and form a government. Will we one day succeed in uniting this wounded country? When our snow melts, the hope is that it will give way to flowers rather than new bombs.

Chagrin de Libanais


 Chagrin de Libanais


Quel immense chagrin d’être Libanais ces temps ci.

De voir mon pays s’effondrer encore plus, détruit par cette épidémie de haine et de violence qui nous consume avec le Levant tout entier.

Ce Liban qui m’a enfanté,j’en viens même à me demander si je le reverrai un jour.  Si cette armée suréquipée financée par les plus grands de ce monde  s’arrêtera, avant de tout détruire et nous annihiler. Si nos villages cesseront de brûler et si les colonnes de Baalbek tiendront encore.Si ces avions et drones ne sillonneront plus le ciel et et si cette fumée noire cessera un jour ou pas, d’assiéger notre petit aéroport où il faisait doux de revenir.


Mon pays semble cette fois sur le point de disparaître pour de bon, à coup de divisions et de destructions. En faillite, sans leadership et transformé en champ de ruines. Il est devenu un camp de réfugiés géant pour tous les levantins en détresse, les Syriens depuis 2011, les Palestiniens depuis 1948 et les Libanais eux mêmes, réfugiés dans leur propre pays. 


Dans ces idées noires qui se bousculent, je me surprends à me demander même si je ne suis pas aussi un peu responsable de tout cela. Tout comme beaucoup d’entre nous qui avons préféré partir, vivre nos vies à l’abri, loin de notre terre natale torturée.. Ce faisant, nous l’avons abandonnée à son sort et précipitée dans son malheur. Nous l’avons condamnée à sombrer, déchirée par les influences extérieures. Si nous étions tous restés, aurions-nous pu aider à inverser sa trajectoire mortifère?

26.10.24

Mohammad Farhat est tombé / Major Farhat is dead




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IN FRENCH

Ce matin je me réveille et ouvre avec d’appréhension comme tous les jours les nouvelles du matin. 


J’apprends la mort de trois soldats de l’armée libanaise sous le feu déchaîné de l’ennemi. Pourtant, l’armée libanaise n’a pas pris part aux combats de cette guerre décidée par les autres pour le Liban, et à ses dépens comme d’habitude. 


J’ai trouvé leurs trois visages dans un post sur X. Ils auraient dû faire la une de nos journaux. Pourquoi sont ils morts? Quels êtres chers ont ils laissé? Ils s’étaient enrôlés pour servir notre drapeau, si beau et si fragile. Et ils ont été  abandonnés par un gouvernement faible et sclérosé, un président qu’on n’élit pas, un parlement pris en otage par les partis confessionnels, l’Iran et ses sbires.


Mohammed Farhat, Mohammad Nazzal et Moussa Mahna étaient nos héros. Ils essayaient de faire leur devoir à la frontière sud, montrer que cette terre nous appartient et que le Liban voudrait la contrôler. Farhat s’était distingué pour avoir tenu tête seul aux soldats israéliens qui tentaient de modifier la ligne bleue. Hommage à lui et à ses compagnons. Et aussi à leurs proches dont la douleur est celle de toute une nation.  Nous leur devons le très peu qu’il nous reste, dans ce pays en lambeaux.


Puisse cette tragédie  nous réveiller tous! Si des élections venaient à avoir lieu, quand vous serez tentés de glisser encore une fois votre voix pour élire un leader milicien ou un parti religieux, quand vous choisirez le raidissement sectaire, par peur ou habitude, rappelez vous que c’est le vote confessionnel qui tue notre armée, c’est  cette maladie de la division qui nous a pris notre Mohammad Farhat. 




IN ENGLISH 

In the  morning I wake up and open the news with apprehension, as I do every day.

I learn of the death of three soldiers of the Lebanese army under the unleashed fire of the enemy. However, the Lebanese army did not take part in the fighting of this war decided by others for Lebanon, and at its expense as usual.

I found their three faces in a post on X. They should have made the front page of our newspapers. Why did they die? What loved ones did they leave behind? They had enlisted to serve our flag, so beautiful and so fragile. And they were abandoned by a weak and sclerotic government, a president who is not elected, a parliament taken hostage by the confessional parties, Iran and its henchmen.

Mohammed Farhat, Mohammad Nazzal and Moussa Mahna were our heroes. They were trying to do their duty on the southern border, to show that this land belongs to us and that Lebanon would like to control it. Farhat distinguished himself by standing alone against the Israeli soldiers who were trying to change the blue line. Tribute to him and his companions. And also to their loved ones whose pain is that of an entire nation. We owe them the very little we have left, in this country in tatters.

May this tragedy wake us all up! If elections were to take place, when you are tempted to slip your vote once again to elect a militia leader or a religious party, when you choose sectarian hardening, out of fear or habit, remember that it is the confessional vote that is killing our army, it is this disease of division that took our Mohammad Farhat from us.

21.10.24

17 octobre: la question reste la même 🇱🇧



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IN FRENCH 

Entre l’abomination israélienne et l’obscurantisme nihiliste de ses opposants, nous voilà, plus que jamais, entre le marteau et l’enclume. 

Malgré sa faiblesse militaire, il fut un temps où le Liban avait  pu résister à la malédiction israélienne, par son ouverture sur le monde, son succès à protéger sa population juive (et même l’augmenter dans les années 50-60), sa capacité à mobiliser la scène internationale en tant que membre fondateur de l’ONU et de la ligue arabe, sa capacité à construire un pays relativement prospère malgré ses divisions religieuses patentes.  Il aurait pu être aux côtés de l’Afrique du Sud à la cour pénale internationale. En donnant des droits identiques à ses citoyens de toutes religions (mis à part son carcan politique), c’était un pays message en opposition cinglante à un État qui privilégie les Juifs du monde entier aux indigènes non -Juifs qu’il occupe et asservit. 

Tout cela est parti en fumée depuis belle lurette. Nous sommes devenus depuis 1969, un État fantôme, où n’importe quel caïd aguerri peut humilier la République, et où n’importe quel turban ou tiare sont davantage écoutés que la voix de l’autorité sensée protéger le pays.

Ce chaos de divisions et de corruption est devenu notre quotidien depuis plus de 50 ans. Aux guéguerres miliciennes, aux agressions israéliennes et aux diktats syriens ont succédé les rixes mafieuses et influences Iraniennes. Et notre beau petit pays continue à se consumer de l’intérieur.

Aujourd’hui, nos enfants sont brûlés, nos souks, églises et mosquées anéantis sans qu’on puisse crier gare. Le pouvoir n’est plus là depuis longtemps. On l’a abandonné tour à tour à l’OLP puis à Israël puis à la Syrie puis à l’Iran et voilà le résultat, des gens divisés dans un champ de ruine fumant, des villages où on voudrait pouvoir accueillir l’autre mais où on craint le bombardement  de l’ennemi, des quartiers ou même la charité et la bienveillance sont devenues danger de mort. 

En cet anniversaire du 17 octobre, date à laquelle on avait voulu croire à un changement, la question demeure la même : Quand nous réveillerons nous de cette torpeur et rejetterons ces leaders confessionnels qui nous ont conduit à l’échafaud?

IN ENGLISH

October 17: The question remains the same 🇱🇧

Between the Israeli abomination and the nihilistic obscurantism of its opponents, here we are, more than ever, between a rock and a hard place.

Despite its military weakness, there was a time when Lebanon was able to resist the Israeli curse, through its openness to the world, its success in protecting its Jewish population (and even increasing it in the 1950s and 1960s), its ability to mobilize the international scene as a founding member of the UN and the Arab League, its ability to build a relatively prosperous country despite its obvious religious divisions. It could have been alongside South Africa at the International Criminal Court. By giving equal rights to its citizens of all religions (apart from its political mesdiness), it was a Symbolic country in scathing opposition to a state that privileges Jews around the world over the non-Jewish natives it occupies and alienates.

All this has gone up in smoke for a long time. Since 1969, we have become a ghost state, where any seasoned thug can humiliate the Republic, and where any turban or tiara is listened to more than the voice of the authority supposed to protect the country. 

This chaos of divisions and corruption has become our daily life for more than 50 years. Militia wars, Israeli aggressions and Syrian diktats have been followed by mafia brawls and Iranian influences. And our beautiful little country continues to burn itself from the inside. 

Today, our children are killed, our souks, churches and mosques destroyed without warning. The government has been absent for a long time. We abandoned it in turn to the PLO, then to Israel, then to Syria, then to Iran, and here is the result: people divided in a field of smoking ruins, villages where we would like to be able to welcome others but where we fear the bombing of the enemy, neighborhoods where even charity and benevolence have become mortal dangers.

On this anniversary of October 17, the date on which we had wanted to believe in a change, the question remains the same: When will we wake up from this torpor and reject these confessional leaders who led us to the scaffold?